du 26 septembre 2008 au 5 janvier 2009
Louvre - Paris
Mantegna sur le chemin d'Emmaüs
Les œuvres de Mantegna chuchotent, à qui sait l'entendre, que le mystère de la résurrection n'est accessible qu'à une seule condition : ne jamais renier sa foi. Et pourtant, n'est-ce pas le Christ lui-même qui, dans le jardin des oliviers, rompit le premier, à ce sujet, le silence : « Je serai pour vous tous, cette nuit, une occasion de chute; car il est écrit : Je frapperai le berger, et les brebis du troupeau seront dispersées » (Matthieu, 26,31).
Ainsi commence l'histoire de cette chute : Ecce Homo – Voici l'Homme, s'écria Pilate. Est-ce lui que vous voulez que je relâche pour la Pâque ? Alors la foule unanime s'écria : non pas lui, mais Barabbas. Nous voulons que tu relâches le coupable, pas l'innocent. Et c'est ainsi que Pilate dit au peuple juif : « Prenez-le vous-même et crucifiez-le, car moi je ne trouve point de crime en lui ». (Jean 19, 5)
Jésus fut donc renié par ses disciples et mis à mort par son peuple. C'est là ce qu'exprime avec précision Mantegna dans son tableau Ecce Homo. Jésus y est représenté le corps couverts de blessures et la figure lasse tandis que les sacrificateurs qui l'accompagnent jettent sur lui des regards pleins de haine. Mais s'arrêter à un telle lecture reviendrait à trahir l'intention véritable du peintre. En effet, par un étrange phénomène de transfert, Mantegna a déplacé dans son oeuvre les signes de la souffrance du Christ vers les bourreaux.
Or, en opérant un tel déplacement, l'intention de Mantegna est claire : il veut nous détourner du drame humain qu'endure le Christ pour nous forcer à voir la culpabilité des sacrificateurs, et avec eux, de tout le peuple juif. Sans quoi, comment pourrions-nous interpréter l'inscription figurant sur la toge d'un des sacrificateurs, inscription sur laquelle Mantegna s'est amusé à déformer les lettres de l'alphabet hébraïque jusqu'à les rendre illisibles. Ou bien encore, les inscriptions latines, figurant en haut de l'image, et qui toutes rapportent clairement le crie de fureur lancé par le foule à Pilate : « Crucifie ! Crucifie ! ».
Faisant écho à ce renversement, Mantegna, dans son tableau Résurrection, choisi de représenter la seule scène de l'Évangile (Matthieu, 27, 54) qui nous indique que ce ne sont ni les juifs ni les apôtres qui comprirent les premiers que Jésus était le Christ et qu'il venait de ressusciter. Alors qu'aux yeux des disciples le corps absent de leur maître ne pouvait avoir fait l'objet que d'un vol, les hommes de Pilate, qui jamais ne prétendirent reconnaître le Christ de son vivant, s'exclamèrent pourtant tous de manière unanime lorsqu'ils le virent s'élever au-dessus du sépulcre : « Assurément, cet homme était fils de Dieu ».
Autrement dit, ce que Mantegna nous montre dans cette scène de Résurrection, ce n'est pas l'image d'un Christ adoré par ses disciples, ni moins encore le Roi des Juifs crucifié, mais l'instant où le Christ est devenu, pour ses bourreaux même - le nouveau Dieu vivant.
Mais que les païens fassent du Christ une de leurs divinité n'est pas étonnant. En revanche, que Mantegna choisisse, dans sa scène du Christ de pitié soutenu par un séraphin et un chérubin, de ne pas y intégrer les figures de Marie et de Marie Madeleine, reste plus énigmatique. Ou bien alors cette absence serait-elle le moyen pour Mantegna de construire son tableau du point de vue même de Marie; autrement dit, le moyen de nous laisser libre de ne pas croire en la Résurrection?
Une chose est sure, par ce procédé Mantegna atteint un point limite : Sa peinture n'est plus seulement l'illustration d'un fait historique mais bien le miroir qu'éperdument nous tendent les Évangiles : sommes-nous comme ces disciples d'Emmaüs qui cheminaient avec le Christ sans le savoir, ou bien comme ces soldats qui crurent en la Résurrection sans croire pour autant à l'innocence du Christ ? A cette question, Mantegna n'apporte pas de réponse mais nous laisse libre d'y réfléchir et de nous approcher de son mystère, avec craintes et tremblements.
Artiste(s)
Andrea Mantegna (1431-1506) est le principal représentant des idées de la Renaissance en Italie du nord, dont la carrière s'est déroulée entre Padoue et Mantoue durant la seconde moitié du XVème siècle.
Oeuvre(s)
- Andréas Mantegna, La Résurrection (1)
- Andréas Mantegna, La Prière au jardin des oliviers (2)
- Andréas Mantegna, Le Christ de pitié soutenu par un séraphin et un chérubin (3)
Informations pratiques :
Le musée est ouvert tous les jours de 9h à 18h, sauf le mardi et les jours fériés suivants : le 1er janvier, le 11 novembre et le 25 décembre 2008.
Fermeture exceptionnelle du musée et des expositions temporaires à 17h les mercredis 24 et 31 décembre 2008.
Nocturnes jusqu'à 22h les mercredi et vendredi
voir aussi : le site du musée du Louvre