Catherine Plassart étant decédée subitement d'une rupture d'anévrisme, le site Art Point France et le blog d'information Art Point France Info sont à l'arrêt.
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D'une rive l'autre
dui 4 au 25 avril 2012
Galerie François Mansart - paris 3e
Après une exposition de ses livres d'artiste à l'espace Landowski de Boulogne Billancourt du 6 au 29 mars, Motoko Tachikawa présente ses oeuvres graphiques à la galerie François Mansart dans le Marais à Paris.
Échouée sur d’improbables rivages, jaillie des profondeurs exubérantes de forêts indolentes ou nimbée de ciels incendiés virant en fleurs somptueuses, toute l’œuvre de Motoko Tachikawa se déploie en un long poème aux confins du réel ; sa manière singulière de vivre son appartenance au monde en fouillant sans relâche, en explorant le visible pour mieux découvrir la part cachée, la lumière et l’ombre, l’immobile et le fugace, l’émotion contenue : J’ai cherché caresses, chaleur et tendresse/J’ai trouvé douleur, chagrin et détresse (Pays de Jean-Paul Soïme). Noir intense d’une orchidée ou d’un arbre, pourpre et or d’un camélia ; aquarellée ou gravée et oxydée à l’acide, chaque œuvre se fait témoin d’une alchimie secrète et d’un dialogue lumineux à la croisée de l’Orient, de l’Afrique et de l’Asie. Des peintures couleur de terre et de ciel qui effleurent les continents par-delà les cultures sans se perdre en chemin dans la voie de l’autre ; s’en dégagent une sérénité en guise d’éternité et l’impression d’un temps perdu incessamment retrouvé. Un graphisme qui étreint, plonge au cœur, jusqu’aux racines, et ne s’y attarde que le temps de retrouver le bleu du ciel, l’indigo de la mer ou la “Lune de grand froid/Comme un coup de pinceau/Au plus haut point du ciel” (Silence, d’Enshi). Nul chevalet n’encombre son atelier : Motoko s’agenouille, sa toile ou sa feuille de papier disposée à même le sol et sourit devant la coulée d’encre surgie par inadvertance qui la surprend et la comble d’une secrète connivence. Et elle rit, de ce rire qui si souvent illumine son propos. Parfois le dessin s’épure, se scarifie ; il devient signe et donc langage à (re)découvrir ; le végétal dépouillé, stylisé, nous renvoie à l‘aube de l’humanité, à ces pétroglyphes qui s’obstinent à celer leur mystère – langage d’avant le langage. Il faut que l’œil écoute ce chant venu de mondes lointains et qui, de l’image au texte – sans jamais que l’on sache qui se confie à l’autre – nous livrent bien des secrets. Œuvre solaire qui se décline en estampes, peintures, gravures et livres d’artiste. Livres rares et précieux où Aimé Césaire, parfois, confie sa plume et sa fille Ina livre ses traductions du créole ; des reliures accordéon à 16 plis, images gravées ou travaillées en numérique ; les textes sont calligraphiés à la main avec des rehauts à l’aquarelle. En une dizaine d’années, sa collection “Poésie à graver” s’est enrichie d’une cinquantaine de titres. Papier népalais, japonais, chinois ou Vélin d’Arches, chacun d’eux, entièrement réalisé à la main par l’artiste, est tiré entre 20 et 50 exemplaires : haïkus de son père, Enshi, de sa grand-mère, Shitsué, dans Voyage, ouvrage dont la couverture est un tissu qui provient d’un kimono d’Enshi. Sans oublier une recette de mousse au chocolat !... l’humour en créole de Jean-Paul Soïme traduit par Ina Césaire. Monde de la fragilité, de l’éphémère à l’ombre de ces fleurs au parfum d’ailleurs (Captive de la gelée du matin/La beauté intense/de la fleur de chrysanthème/S’impose en toute évidence – Silence d’Enshi), mais aussi invitation au voyage et nostalgie, alizés espérés et tristes tropiques. Neige, Silence, Voyage, Désir désert, autant de titres évocateurs et d’étapes pour cette nomade au long cours qui ne retrouve ses racines qu’au fil de ses créations, telle une longue et patiente méditation non exempte de mélancolie parfois, que traverse une poésie du silence : le haïku.
Florent Founès
photos (1) Camélias 80 x 120 cm, aquarelle, huile sur papier (2) Bégonias, tirage numérique pigmentaire sur papier Japon, 30 x 42 cm édition à 5 exemplaires(3) Estampe, tirage numérique pigmentaire sur papier Japon, 42 x 60 cm édition à 5 exemplaires
Informations pratiques :
vernissage le 5 avril de 18h à 22h
Galerie François Mansart
5, rue Payenne - 75003 Paris
ouvert : mardi à dimanche de 14h à 19h
voir aussi : un choix de livres d'artiste de Motoko Tachikawa
Exposition collective
du 28-01 au 21-04 2012
Pavillon blanc, centre d'art - Le Colomiers (31)
Dans Les livres de ma vie, Henry Miller écrivait qu'il ne connaissait pas de meilleur endroit pour lire que « dans les profondeurs d'une forêt. De préférence auprès d'un torrent ». L'exposition du centre d’art de Colomiers nous tient éloignés de ces lieux enchantés. Les artistes convoqués pour cette exposition sur le thème de la bibliothèque jouent avec le mobilier et les représentations en oubliant le mot, le texte, la culture.
Car force est de constater que ce qui domine est le vide et l'absence. Les bibliothèques sont creuses (Elvire Bonduelle , Eden Morafaux) ou présentent des livres aux idées obsolètes (Julien Prévieux) ou encore montrent le défilement presque abstrait de l’image virtuelle d'ouvrages alignés (Yann Serandour).
La disparition du texte, la blessure infligée au livre sont l’objet et le sujet chez Estefania Penafiel Loaiza. La négation radicale du principe de bibliothèque et l'indifférence fondamentale à l'écriture sous tendent les créations de Sébastien Vonnier. Au mieux, un livre unique tenu dans la gueule d'une sculpture en forme de pion d’échec - le fou - est pour Sammy Engramer l'occasion d'exprimer son rapport critique au savoir.
Seul, dans cette vaste exposition, le graphiste Frédéric Teschner en revenant à la lettre semble se souvenir que le livre n'appartient pas à un passé révolu, n'est pas non plus voué à la disparition puisque ne serait-ce que dans sa dimension d'objet il évolue et se renouvelle à l'envie.
L’exposition nous dit-on, "vise à explorer les liens de l'artiste avec le savoir et la représentation du savoir et de la culture par les artistes aujourd’hui". D'un seul regard circulaire dans le Pavillon blanc, il est permis de constater que les jeunes artistes ont renoncé au livre comme source de la connaissance. Ce qui inquiète, c'est le rejet dont le savoir lui-même est l'objet puisqu'ils ne trouvent aucune forme nouvelle pour le représenter.
Les amoureux du livre et de la lecture verront beaucoup de cruauté dans le choix du titre de l'exposition. La luxuriance de la forêt et l'impétuosité du torrent s'accordent mal avec la vision aride d'un imaginaire absent et d'un savoir dont l'accès est empêché.
Ils dénonceront aussi le paradoxe qui veut que des bibliothèques de lecture publique cherchent dans le miroir que leur tendent ces artistes leur justification. Connaissent-elles le métier de lire et le plaisir de transmettre ? On peut en douter. Les splendides coquilles trop pleines d'ouvrages craquent, se fendent et répendent leur contenu dans le ruisseau de l'oubli faute de passeurs. Pire, avec ce type d'exposition, elles sont leurs propres dupes : elles croient chanter leur gloire quand elles font l'apologie du rien.
Catherine Plassart
Les artistes exposés : Elvire Bonduelle, Sammy Engramer, Eden Morfaux, Estefania Penafiel Loaiza, Julien Prévieux, Yann Sérandour, Frédéric Teschner, Sébastien Vonier.
photos : (1) Vue de l'exposition. Photo : Y Gozard premier plan "La totalité des propositions vraies (avant)" de Julien Prévieux, (2) à gauche : 533, 2006-2012S Vonier. Au centre et à droite : L'Etude, 2008 de Eden Morfaux et les Couvertures muettes, 2012 de Frédéric Teschner. Photo : Yohann Gozard, (3) © E Penafiel Loaiza / galerie A Gutharc ; De la rigueur de la science Vues d’exposition. Photo : Yohann Gozard
Cavales de Thomas Levy-Lasne
par Jean-Paul Gavard-Perret
A la fois narrative et impressionniste, hyperréaliste et paradoxalement sortant des contingences la peinture de Thomas Levy Lasne est marquée du goût de la précision. Pour lui, les modèles quittent la situation d’objet pour devenir sujet afin d’inventer une peinture de soi et du monde à travers des portraits paradoxalement « sublimés ». De prime abord photographique la peinture en élimine le côté le plus immédiat qui soit.
Un tel travail reste dans ses sujets et son langage très lié à l’expérience personnelle de l’artiste comme à une vision des formes, des couleurs, de l’imaginaire, au désir de capturer et reproduire encore et toujours cette magie de l’image qui se révèle - comme à la surface de l’eau - à la surface des être. Le créateur saisit les beautés simples de la vie, des instants de grâce éphémère même dans une certaine trivialité. Comme Elina Brotherus (dans un autre genre) pour le jeune artiste le sujet n’a pas besoin d’être sublime pour émouvoir. L’essentiel est le temps qui lui est accordé.
Thomas Levy Lasne sait retenir un visage, un fragment de silhouette dans son œuvre. Il capte l’ambiguïté du genre en chaque portrait comme en ses segments d’atmosphères-paysages. Explorant sa relation aux perceptions des modèles ou de son environnement l’artiste produit une vision fragmentée et subjective du temps, de l’espace et du portrait lui-même. Le créateur accumule les idées, avale images et histoires.
Il note, croque, digère puis oublie. Si bien que chaque œuvre se transforme en un moment poétique qui produit chez le spectateur une sorte de rêverie mystérieuse, de songe énigmatique. Un simple accident sur la peau d’un de ses personnages transforme le portrait en paysage. L’artiste s’attache aux vibrations des couleurs, à la lumière, la sensualité picturale, aux formes et aux contours dans une faible profondeur de champ. Refusant tout flou poétique il cherche moins à décrire qu’à suggérer en insistant sur la netteté et la précision.
« Photographiques » ces images sont tout autant des moments d’évasion, de recueillement. Émane une « rêverie » au sens où l’entendait Rousseau. La frontière entre réalité et fiction se brouille. Le film du temps s’altère pour laisser au spectateur un espace de liberté et de rêve où le corps de la femme est exploré dans, par exemple, tout un jeu de vêtements et selon des fragments où le gros plan brouille jusqu’aux effet de précision et de flou Une suggestion chargée d’un érotisme particulier est présente. Preuve que dans la recherche intuitive de l’artiste rien n’est laissé au hasard. Il travaille les couleurs, leurs densités et contrastes mais sans excès, juste comme un tireur le ferait sous agrandisseur, mais avec la souplesse, la précision et autonomie du peintre. Comme Nathalie Quintane en littérature Thomas Levy Lasne propose des « cavales ». Elles illustrent le passage du plus intime à une sorte de romanesque du quotidien ouvert.
photos : (1) Thomas Lévy-Lasne, Câlin, 2011, fusain sur papier, 70 x 70 cm © Galerie Isabelle Gounod, Paris, (2) Thomas Lévy-Lasne, Fête 29, 2010, aquarelle sur papier, 15 x 20 cm © Galerie Isabelle Gounod, Paris, (3) Thomas Lévy-Lasne, Fête 22, 2011, aquarelle sur papier © Galerie Isabelle Gounod, Paris
On peut voir les oeuvres de Thomas Lévy-lasnes du 29 mars au 1er avril à DRAWING NOW 2012, artiste en one man show. Galerie Isabelle Gounod, Paris et dans l'exposition collective "Voir en Peinture III", une proposition d’Eric Corne, Ensa, du 5 avril au 5 mai à la Galerie La Box, Bourges.
Joëlle David : Portrait de l'artiste en couseuse d'images.
par Jean-Paul Gavard-Perret
Quand Joëlle David commence son travail le soleil est au zénith mais des nuées traînent encore sur le bleu de ciel. Le corps de l'artiste s'arc-boute, ses jambes se croisent, son souffle se creuse : l'imagination déborde, mais il faut la nourrir et l'épingler de divers fragments. Dans cette quête ses doutes s'apaisent : les os, les muscles retrouvent leur faim jusqu'à ce que ses images deviennent chair prélevée puis recomposée. Tandis que le monde s'agite la fièvre de vie s'empare des morceaux d'images que Joëlle David colle sur la matrice vierge avec ses yeux de luciole et le frayage de ses mains. C'est l'heure des eaux plates et des couleuvres ingurgiteuses de grenouilles un peu plus loin dans la campagne.
Dans ce travail l'imaginaire de l'artiste métamorphose le concept par un montage sans souci d'explication ou d'illustration. L'image s'ouvre. Chaque élément choisi et brisé se refait au delà de la ruine de sa banalité première. En ramenant de déjà vu l'artiste ne crée en rien du pareil ou du même. Coupant certaines chaînes admises par les empreints disparates Joëlle David les fait parler autrement en son travail. Ses prélèvements deviennent des moutures. Elles réaniment un monde disparate pour le porter vers une sorte de surréalité onirique et ironique.
Chaque oeuvre est une amorce mais dit plus que ses vocables. Dans leurs placements les sens deviennent aigus et stridents. La raison flanche. Quelque chose ne tourne pas rond et c'est bon. Entre les blancs de l'air passe et sape ce que chaque élément évoquait jusque là. La quantité de blanc ne révèle donc pas forcément du silence. Mais coupe les visions binaires en un rythme animal. C'est une rage à peine contenue. Une fête aussi. C'est le paradoxe de la césure et de l'entaille. Les contrastes deviennent saisissant et impactent la mémoire avec régularité. Le coeur par-dessus tout est une alternative. L'oeil se fait errant face à ce la créatrice recompose. Un autre type de regard s'impose et s'oppose à la réminiscence « platonicienne ». Un appel de fond ouvre le visible pré-constitué par associations intempestives. Si bien qu'une mémoire image suspend le discursif et fait surgir des morceaux de monde là où la « représentation » est neutralisée par le collage. Il agence bien autre chose que de simples simulacres ou d'images fantomales.
Les analystes de l'image trop sûrs de leur science « exacte » devraient faire un détour par ces matrices qui requalifient le langage plastique. Apparaît un espace iconographique pré et post réflexif, une expérience brute et immédiate de la profondeur en une trame singulière. Contre la trop simple ouverture de la perception par les images fantômes de la chose concrète surgit un travail du palimpseste. Chaque oeuvre devient une « page d'écriture » où les figures sont centrées ou décentrées, où les gestes précis sont doublés par l'afflux des références parfois drôles parfois plus cruelles et plus graves. L'entrelacs subtil du fragment et de son assemblage crée des « vestigiae », des empreintes fragiles, des souvenirs involontaires.
Noyé dans l'image, le regardeur n'est pas face à l'image : il passe à l'intérieur pour la recomposer lui-même. La "colleuse" ne prétend pas donner aux images leur sens ultime mais nous ramène par un mouvement de reprise et d'approfondissement à un murmure déchiré et agence autrement. Cela s'appelle la poésie matière, la poésie vivante. L'oeuvre ouvre à un vertige ludique. Joëlle David propose une réelle jouissance et une étrange torsion car elle n'est jamais corsetée en ses protections d'autant que d'une pièce à l'autre les mondes sont souvent de nature différente. Des soubresauts sont presque bucoliques, d'autres fabuleux. A l'indolence de l'usure le temps alcoolique trace des non-sens. L'espace éclabousse au creux des ivresses. Il est foudroyé non en oubli d'une césure mais par elle. Pas de langueur, de miséricorde. L'anémié se dissout. L'absence et la grisaille s'effacent dans un orgasme vociférant où l'instinct l'emporte sur la raison là où chaque image empruntée est soumise à des soubresauts qu'elle n'avait pas prévu.
Joëlle David crée des abîmes par le compact et le fragment, elle fomente la dispersion et l'ordre. Demeure le maintien du mystère par celui-là même de « passementerie » du collage.Tout se situe à la frontière, entre divers zones : douceur et douleur, apaisement et écrasement, drôlerie et sérieux, l'épars et l'homogène, le flux persistant, la dispersion insistante en divers seuils d'égarement, d'errance. De telles créations semblent suspendues aux replis du rêve. Elle le secouent par des fables inédites. Derrière son jeu, l'oeuvre témoigne de l'exigence la plus grande : "prendre" une image c'est s'intéresser avant tout au mouvement qui l'anime et tout ce qu'il peut faire remonter en l'introduisant dans de nouvelles perspectives qui se dessinent en avançant.
photos : (1) Summertime Medusa, photo et collages sur papier photo 50 x 36 cm printemps 2010,(2) Souffle d’Or aquarelle et collage sur papier Arches 300g/m2 36 x 26 cm 21 décembre 2012 (solstice hiver),(3) La Roulette Française, aquarelle et collage sur Arches 300 g/M2, 50 x 65 cm cm, 22 mars 2012, (4) Dali Chimère aquarelle et collage.
voir aussi : la vitrine de Joëlle David dans Art Point France
Coco Texedre : Chateau de Cène, Maisons de verre et aquariums
par Jean-Paul Gavard Perret
Dans la maison de Coco Texedre les murs sont désormais poncés. Chaux devant ! Le mat son a étouffé les cloques. Air, matière, pâte couleur claire pour la lumière. Pirouette. Cabriole. Corps et graphie jamais imposés. Marche non forcée. Et parfois titubante (le Gin bon marché fait le bon thé divin). La pensée se met à chanter pompette et fait des pointes à coups de vignettes et d’encres sympathiques. Il y a du rouge Baiser, des arabesques, des deltas et des méandres pour toucher à la plus invraisemblable communauté dans la maison en T.
Des dissymétries naît un conglomérat. Il n’y a pas plus allumé qu’un tel travail. Coco Texedre lâche sans cesse la bardelette, balaye la poussière de la tête pour rendre la vie moins vieille et brouiller les dernières cartes afin d’admirer Dieu dans une glace à la fraise.
Parfois se perçoit une mare recouverte de nénuphars avec au fond de très gros poissons rose pâle. Si on se penche pour les regarder on tombe dans le grand cercle des images. Impossible de donner l’alerte même si on ne sait plus s’il y a encore de l’eau. De l’œuvre certains s’immergent, d’autres émergent. Mais on ne s’emmerde jamais.
Il ne s’agit pas pour autant de fantasmer sur les images. Ce sont apparemment des boîtes à surprise sur une table de nuit. Mais elles contiennent bien autre chose que des babioles. Sous un ciel magnanime toutes sont d’étranges fleurs de l'Apocalypse. Pour les fabriquer Coco Texedre entre - bas de laine troués - dans des travaux et le désordre. Sous l'eau tarie des fuites les odeurs stagnent en mille sources d'inspiration.
Esclave de son lieu la maîtresse se désespère parfois et pleure le Christ et ses saintes séquestrés dans les boîtes à bananes entassées dans le passé d'un grenier décomposé. Quand vient puis revient le jour du Seigneur c'est à peine si quelques clous sont enfoncés. Suintements sur le sol des lamentations toute la Sainte Journée et jusqu'au bout de la nuit. Les maçons officiels de l’art parlent la langue de bois : il faut se chauffer avec. Ses architectes disent que c'est bancal, caduque, rococo, riquiqui. Ils prétendent que l’artiste a vu trop grand ou que c'est trop petit. Qu'il n'y a pas de place. Mais ils n’ont rien compris. Qu’importe s’il est impossible d’installer un escalier. L’artiste s’envoie en l'air toute seule avec ses images.
Elle n’a pas hésité à mettre sous le pif du voyeur une culotte afin de souhaiter ses vœux pour 2012 comme s’il s’agissait de l’année des partouzes ! Qu’il en soit donc ainsi. L’artiste apprend par cœur les noms qui ne contiennent pas d’Aleph. L’infini se plie parmi ses outils. Entre brisure et déchirure, entre cheveux et cuir non le désordre de l’univers mais ce qui tremble en nous : une joie, une erreur, un vertige.
Montant sur les cheminées de son imaginaire Coco Texedre s’écrie « je penche donc je suie ». Elle y creuse l’obscur afin que les flammes partent en fumée, et la fumée en flammes. Qu’elle se fasse mégère ou fée de logis là n'est plus le problème. Elle reste le femme des mégéries de l’amer, l’eausée l’épluiephanie, la Veuve Cliqueau, la bargestueuse, l’eau d’étoilette, la superflux. Donc la nécessaire.
exposition collective
du 26 mars au 25 mai 2012
Galerie Délits des sens - Avignon
Délits de Faciès
Oui l’homme a des travers. Oui l’homme a la gueule de travers. Oui chaque homme porte en lui son lot de souffrances et de lâchetés quotidiennes. Or il doit regarder la face de l’autre tous les jours. Et ça lui fait peur. Alors il brise le miroir... sans se douter de ce qui se cache de l’autre côté. Pourquoi les visages, les faciès, les figures, les gueules, les regards, les non-regards. Pourquoi les traits plutôt que les corps pour cette exposition. Pourquoi une galerie de portraits digne de la cour des miracles ? Justement parce que c’est en son sein que règne le miracle de l’expression. Certes les attitudes corporelles nous permettent de “décoder” l’autre. Mais plus encore le masque expressif nous subjugue. Et plus encore il est le lien social conscient qui est offert à l’autre. Joie, bonheur, ennui, tristesse, mensonge, fermeture, désarroi, révolte, colère, … tous les sentiments se prêtent au jeu du faciès. Et plus encore des parties de visage peuvent crier ce qu’elles ont à dire.
Béatrice Lebrun
artistes exposés : Gilles Barp, Benjamin Carbonne, Loki Baal, Béatrice Terra, Laurent Bahanag, Sereirrof, Keramsi
photos : (1) N° 554 technique mixte (encre, pastel, acrylique) sur toile 126 x 81 cm 2011, (2) N° 507 technique mixte (encre, pastel, acrylique) sur toile 81 x 65 cm 2011
voir aussi : la vitrine de Laurent Bahanag dans Art Point France
Informations pratiques :
vernissage le jeudi 5 avril de 19h à 21h
Galerie Délits des Sens
3 rue de la Campane
84000 AVIGNON
04 86 81 98 19
Laura Pitscheider sur les hauteurs
par Jean-Paul Gavard-Perret
Le chef d’œuvre de René Daumal « Le Mont Analogue » était défini par son auteur comme un « récit véridique ». Il fut interrompu par sa mort. La quête spirituelle aboutit, en première étape, pour les « huit pauvres hommes ou femmes démunis de tout » au mouillage du yacht l'Impossible, à Port des Singes, sur les rives du Mont Analogue. Le narrateur, s'interrogeant sur ce nom de Port des Singes, alors qu'il n'y a pas un seul quadrumane dans la région, déclare : « Je ne sais pas trop, mais cette appellation faisait resurgir en moi, peu plaisamment, tout mon héritage d'Occidental du XXe siècle - curieux, imitateur, impudique et agité ». A cet héritage le poète va superposer dans le livre un autre héritage : celui de l’extrême orient. Les deux vont se mêler en une quête initiatique mêlant le Graal à la légende hindoue.
Le Mont Analogue » constitue donc une « histoire » dont le déroulement tourne autour et toujours selon Daumal des « aventures alpines, non euclidiennes et symboliquement authentiques»Fasciné par ce livre Laura Pitscheider crée par sa peinture un rapport subtil avec lui. Le travail de l’artiste est tout illustratif. Sa série de ses aquarelles et peintures acryliques organisent un voyage dans les mondes lointains de l’imaginaire. Le bleu de ciel et de la mer rejoint les nuages et les sommets en fractures et en nappes. L’immanence des formes et des couleurs propose une autre clé à la quête transcendantale à l’œuvre dans le livre de Daumal.
Laura Pitscheider fait entrer dans l’espace magique de la montagne. Une telle expérience plastique demande à la créatrice – comme pour les héros du livre – ascèse et recueillement. Certes l’imaginaire se débride, vagabonde mais selon une énergie interne. Comme si la peinture naissait par poussées plus que par plaquages. Ce que dit Daumal de l’alpinisme « l’art de parcourir les montagnes en affrontant les plus grands dangers avec la plus grande prudence » peut donc s’appliquer à l’entreprise de l’artiste. Pour aboutir à sa création elle a dû affronter ses gouffres intérieurs, remplacer la vacuité par le vide – ce qui est bien différent et accomplir tout un travail de connaissance de soi.
Daumal dit que ce qu’on « appelle art est l’accomplissement d’un savoir dans une action. ». La peinture de Laura Pitscheider répond cette définition. La créatrice non seulement agit, fait mais invente une vision. Ses œuvres représentent une courbe ascensionnelle vers les sommets de l’être. Pour autant cette courbe ne va pas de soi. Elle se dessine en dehors d’un géométrisme et d’un graphisme basique. Pour que se ressente cette Assomption Laura Pitscheider a dû trouver une transcription poétique fait de divers mouvements.
La trame essentielle si elle est verticale dans l’esprit s’inscrit en conséquence de manière moins évidente. Seule la rationalité occidentale opte pour le plus court chemin en évitant les coudes, les ravins, les vertiges. Sur ce plan la pensée de l’Inde dans laquelle baigne le Mont Analogue est beaucoup plus profonde. L’artiste l’a compris : elle ne se contente pas du binaire.
Comme Daumal Laura Pitscheider connaît sans doute la Bhagavad-Gîtâ. Elle nourrit sa pensée et éclaire le sens caché de sa peinture. La doctrine hindoue devient une confirmation des découvertes mystiques d’une artiste dont la force de la peinture tient à l’absence d’exotisme et de figuration. L’image « re-présente » l’essence de l’absolu par des formes quasi abstraites et des couleurs suaves.
L’artiste crée des archétypes spécifiques. Ils n’ont rien d’un « indianisme » de bazar ou « bollywoodien » si l’on veut prendre les références actuelles. Afin d’évoquer là le sentiment d’Ascension chaque toile refuse le clôt et le bouché. Tout reste ouvert au champ des possibles. Chaque œuvre n’en interrompt l’étendue que par la loi même de sa quadrature.
La peintre devient ainsi le neuvième pèlerin ( celle que Daumal n’osait même pas rêver !) du voyage au Mont Analogue. Comme une Guenièvre moderne, elle tend la main à Perceval, à Arthur et leurs compagnons, via le Mahâbhârata, afin de créer une Ascension particulière. Impie peut-être et roturière. Mais tout autant encline au respect et à une cérébralité mystique. Celle-ci trouve – et c’est capital - par la peinture une paradoxale sensualité abstraite qui fonde toute l’originalité et la puissance d’une telle série.
voir aussi : la vitrine de Laura Pitscheider dans Art Point France
Ateliers portes ouvertes
le 17 mars de 15h à 20h.
Plaissan (34)
Le charmant village de Plaissan niché dans la garrigue abrite environ 1000 habitants, une poignée d'artisans et d'artistes. Samedi 17 mars de 15h à 20h, ils ouvrent les portes de leurs ateliers, vous reçoivent et vous présentent leur production.
Pour cheminer dans le village et vous déplacer d'un atelier à l'autre, il vous suffira de suivre les galets rouges. Vous ne manquerez pas de répondre en particulier à l'invitation de Josiane Bettini qui à côté d'une production peinte d'une grande singularité vous présentera aussi des assemblages et plusieurs livres d'artistes qu'elle a réalisé notamment avec Hélène Grimaud.
Dans "Les états que la terre affectionne." Emmanuel Fillot écrit : "Il semble que chacun d’entre nous soit lié de manière privilégiée à un élément. Lorsqu’on regarde la peinture de Josiane Bettini, on sait immédiatement qu’ici la terre domine, qu’à partir de cette connaissance sensible le monde va s’ouvrir. La terre y est à l’œuvre, imposant sa densité, sa profondeur, sa patience silencieuse, son obstination, sa gravité.
La densité n’y est ni dure, ni rigide, les couleurs sourdes accueillent la souplesse de la lumière. La profondeur n’est pas affectée, le silence est vibrant, l’obstination n’a rien de volontaire et la gravité n’est pas tragique. Il semble que Josiane Bettini laisse agir ces qualités archaïques dans la peinture. Elle laisse peindre la terre."
La réceptivité, l'abandon, la confiance viennent de l'élément terre. A contrario un refus s'exprime ; on peut le nommer avec David Bioulès "cette résistance à ce monde d'images". Car ici ce qui compte par dessus tout c'est le regard, peu importe les objets sur lesquels il se pose.
Les Artistes :
Annie CHAIGNEAU / Ceramique poétique
Emmanuelle HAMET / Bijoux contemporains
Veronika PANSTINGL / Verres émaillés
Corinne TIZIEN / Déco, Dessins
Jeremy STEIN / Peintures, Illustrations
Damien NOLL / Sculptures, Installation
Petra SAUTER / Bijoux
Jean Marie de BAECQUE / Sacs
Jo-An BETTINI / Peintures, Livres d’artistes
photos : (1) "Diptyques", teinture sur toile montée sur chassis 100 x 50cm x 2, (2) "Réparations" 3, aquarelle sur papier japon 52 x 50 cm, 2009 , (3) "Assemblages", bois, fer, carton et divers, 2009
Informations pratiques :
Plaissan est situé à 40 km de Montpellier, 35 km de Béziers, 30 km de Sète.
06 73 40 98 66 / 06 80 92 56 62
voir aussi : la vitrine de Josianne Bettini dans Art Point France
Figurations kaléidoscopiques de Jo Vargas
par Jean paul Gavard-Perret
Jo Vargas vibre et tremble à la moindre chute, au plus ténu des bruits, au plus absurde des cris de plume. De sa main elle gravait déjà des signes aux falaises préhistoriques. Elle griffe à présent le papier. Surgissent parfois les cyniques regards des voleurs qu’elle suivit. Ceux des harceleurs mimant l’amour, des marins d’eau douce, des mères de vinaigre, des pères sévères, des hidalgos racés dont le cœur douteux fit battre le sien.. Ses yeux s’y perdaient, ses pas s’y noyaient
Désormais quand la nuit la prend Jo Vargas allume encore une cigarette : elle n’est qu’une silhouette incandescente au milieu de celles qu’elle dessine et peint aux seins de labyrinthes optiques. Chez elle une ligne n’est pas une ligne : elle bouge, fuit, réapparaît, voyage dans la nuit, regarde pousser les ombres mais ne se laisse pas abuser par d’autres stries. C’est ainsi que des visages se forment, se déforment, se télescopent de manière avant de dresser leurs cris en noir sur le papier. Toute la nuit et jusqu’à l’aube l’artiste invente des corps parallèles ou renversés : des oiseaux par milliers peuvent nicher dans leurs genoux puis s’envoler en une vague majuscule
Quand l’aube de midi se hisse pesamment sur Paris, l’artiste poursuit sa quête. Comme toutes les quêtes elle est absurde mais belle comme le graal. Puis elle attend le crépuscule dans l’aboi fauve d’un étrange opéra à double fond. Car Jo Vargas le précise en sous titre à son exposition : « Une scène très différente se déroule derrière la cloison ». A nous d’imaginer le meilleur du pire Pendant ce temps l’artiste incise encore des lignes, étend des taches. La souffrance procède par approches magnétiques.
N’est pas sismographe déréglé qui veut : mais Jo Vargas invente des portraits en déséquilibre compensé. Parfois ils glissent. Parfois ils ont des gestes de statues nègres. Elle peut aller jusqu’au dessein des lèvres. Dans son œuvre tout « Je » est incertain. Mais créer revient à retrouver sa connivence et conjurer l’illusion des "Tu" mordant et leur attirance parfois trompeuse.
C’est pourquoi ses œuvres ressemblent à des ruelles où miaulent d’impossibles chats. Le noir jette le doute dans un regard traqué d’amour tandis que les mains de l’artiste tournent autour de ses spectres. Chaque œuvre dresse un lieu géométrique entre le sexe, l’amour, la vie, la mort. L’artiste y insère des entrelacs dénoués et des vagues qui tiennent même quand le présent se fend. Toute effraction laisse une trace. Chacun y attend les insomnies heureuses afin que les monstres s’assoupissent..
Femme lune, sa marque indélébile est le noir de suie, le blanc d’un morceau de craie. Le cœur y bouge tel un chien en cage.. Bain de lait, de soufre, de parfums, de fruit. Un jour, se souvient –elle, ce fut la première fois. Après il y eut toutes les autres. Mais elle brosse la poussière de sa mémoire, elle vit pour me regard.. Qu’importe si la mort et la folie couchent ensemble. Il suffirait d’un rien, d’un geste de celle ou celui qui cherche un espoir dans ses dessins. Elle ou il allume aussi une cigarette. L’un est un point l’autre une ligne. Les deux comme Jo Vargas voyagent dans la nuit.
Jo Vargas « Exposition », Galerie du CROUS, 11 rue des beaux arts, Paris 6ème. Du 27 mars au 7 avril.
photos : (1) Comme une danse d'ombres, technique mixte sur toile libre 220 x 200 cm, (2) Arrivée prévue quai N°7 technique mixte sur toile 100 x 100 cm, (3) Le vieux Rembrandt technique mixte sur toile libre 220 x 200 cm, (4) L'affaire Dashiell Hammett technique mixte sur toile 50 x 50 cm