L'art c'est la vie n'est ni une maxime, ni un proverbe, c'est un APPEL rédigé par des artistes à la fin du printemps 2007 dans le contexte de l'élection présidentielle. Ceux-ci soucieux de révéler les problèmes qui se posent à eux en France aujourd'hui et désireux d'obtenir une autre politique pour les arts plastiques ont également lancé une pétition qui a récolté à ce jour des centaines de signatures d'artistes et professionnels de l'art. Après la lettre de mission du Président de la République à Mme Albanel, il est important d'ouvrir le débat. L'art c'est la vie a obtenu la complicité de la belle revue Art Absolument qui entre à son tour dans la polémique et s'interroge sur la responsabilité de l'Etat français dans la situation faite aux artistes vivants et s'inquiète de la réception de leurs oeuvres dans le monde. Pas de longs discours cependant, mais un choix, celui de confronter les points de vue. Ainsi Art Absolument a posé 6 questions (cf. ci-dessous) à 14 personnalités du monde de l'art : François Bouillon artiste, Miguel Chevalier artiste, Grégory Forstner artiste, Gilles Fuchs collectionneur, président de l'ADIAF, Nathalie Heinich sociologue, chercheur au CNRS, Marin Karmitz producteur et réalisateur, Jean Le Gac artiste, Najia Mehadji artiste, Jean-Michel Meurice artiste, Claude Mollard ancien collaborateur de Jack lang, créateur des FRAC..., Ernest Pignon-Ernestnbsp;artiste, Christine Sourgins historienne de l'art, Hélène Trintignan galeriste, Bernard Zürcher galeriste. Leurs réponses sont disponibles en ligne, on peut réagir et entrer dans le débat à son tour. |
Les six questions de Art Absolument : De la différence entre un artiste et un créatif 1 | Qu’est-ce qu’un artiste pour vous aujourd’hui ? Doit-on faire un distinguo entre un créatif (dans le sens où un couturier de grand talent, par exemple, lorsqu’il présente sa nouvelle collection, la crée) et un artiste qui, certes, peut vendre ce qu’il produit, mais dont l’œuvre – l’enjeu symbolique – n’est pas directement liée à cela ? Autrement dit, doit-on faire une différence entre les “artistes” qui sont liés à une nécessité intérieure et les “créatifs” qui répondent le plus souvent à une commande extérieure ? Ou, au contraire, pensez-vous que, de nos jours, tout le monde est artiste et que de faire une distinction entre les arts majeurs et mineurs, les médiums de l’art (la peinture, la sculpture, la photographie, la vidéo, etc.), et la publicité, la mode ou le design, n’est pas pertinent ? L’art et le public 2 | On sait que, de nos jours, aller au musée, voir de grandes expositions, s’intéresser à l’art, est devenu l’un des pôles symboliques de notre société. Nous ne pouvons certes que nous en réjouir. Cela dit, sans les clefs pour mieux percevoir l’œuvre, que se passe-t-il au juste ? Ne doit-on pas se défier de la tendance à “l’art spectacle”, au “divertissement”, au “zapping” que certaines manifestations dites grand public induisent ? Si oui, comment y remédier ? Par l’éducation artistique à l’école ? Par une plus grande place de l’art et de la culture dans les grands médias nationaux ? L’art contemporain et l’État 3 | Quel rôle l’État doit-il jouer ? Quelle(s) réforme(s) l’État devrait-il entreprendre pour que la diversité des artistes vivant en France soit mieux représentée – à Paris, mais aussi en région, et ce, évidemment, quels que soient leur médium, leur génération ou leur origine ? Y a-t-il un art officiel en France ? 4 | Y a-t-il le choix préférentiel d’une “esthétique” au détriment de toutes les autres par les principales institutions françaises (musées nationaux, centres d’art contemporain, FRAC, CulturesFrance, etc.) – une “esthétique” qui, au fil des ans, est devenue quasi officielle ? Si oui, laquelle ? Et pour quelles raisons ? La place de la France ? 5 | Aujourd’hui, comme ce fut le cas dans l’entre-deux-guerres, des artistes de toutes origines résident en France. Comme on le sait, la diversité (Picasso, Brancusi, Chagall, Man Ray, etc.) a fait partie intégrante de la prépondérance de la France par rapport aux autres nations du marché de l’art. Or, aujourd’hui, les artistes de la “scène française” sont peu ou prou marginalisés. Quelles sont pour vous les priorités nécessaires pour leur reconnaissance ? Comment concevez-vous le rôle des galeries ? Des fondations ? Des collectionneurs privés ? Du mécénat ? Des foires d’art contemporain ? Histoire de l’art 6 | Sans les cinéphiles, tout le monde ignorerait le cinéma d’auteur. Sans les lecteurs passionnés de littérature, les bons écrivains qui finissent par émerger de l’édition courante. Dans les arts plastiques, les tenants de “l’avant-garde” – en déniant toute validité au regard d’autrui (des autres artistes, des critiques, des conservateurs de musée, des collectionneurs, du premier cercle des amateurs d’art, du public éclairé, etc.) – semblent cautionner une amnésie générale de l’histoire des formes permettant la promotion de “nouveautés” déjà fort éculées. Autrement dit : l’histoire de l’art (c’est-à-dire la chronique des mouvements et des œuvres qui créent un avant et un après) continue-t-elle à se constituer malgré l’uniformisation esthétique produite par les inévitables effets de modes, ou est-elle vouée à disparaître ? |