du 2 octobre au 30 novembre 2008
Institut Néerlandais - Paris (7)
Même si les dessins de Bruegel, Rubens, Heemskerck et Straat traitent tous de sujets religieux, leur propos n'est pas édifiant. Loin d'être des images évangéliques, ces œuvres explorent l'envers de la révélation christique – ce qui, dans le monde populaire du 16ième siècle, reste encore profondément sourd à l'appel de la grâce.
par Frédéric-Charles Baitinger
L'histoire de l'art aime à considérer la Renaissance comme étant le siècle de l'humanisme. Mais cette idée, aussi juste soit-elle, ignore la part « négative » ou souterraine qui a poussé les créateurs de ce temps à se tourner vers l'antiquité tardive pour y redécouvrir des modèles dignes d'admiration. En effet, alors que toute l'iconographie du moyen-âge s'évertuait à rendre visible, pour toute une population d'analphabètes, le contenu des histoires de la bible, des artistes comme Bruegel et Heemskerck cherchèrent à mettre en scène l'effet qu'eurent ces images sur des hommes aux mœurs encore largement archaïques.
Dans le dessin L'Ire de Bruegel, ce qui est mis en avant n'est pas le sentiment d'amour propre aux Évangiles, mais la colère, le courroux, la haine et l'envie : une sorcière roule sur un tonneau, un homme grille sur un pic, d'autres cuisent dans un chaudron tandis qu'une église brûle et qu'un prêtre guide une foule en liesse vers la curée. Loin des clichés vertueux et des peintures d'églises, Bruegel ose ici nous montrer la réalité de son époque dont l'essence n'est pas chrétienne mais antique – au sens où l'antiquité ignorait justement le christianisme et la grandeur de sa révélation.
Incapable de mettre en pratique le message biblique, le siècle de Bruegel n'a fait que travestir le christianisme en redonnant aux prêtres le rôle qui était naguère le leur - rôle de sacrificateurs au service d'une foule dont la colère ne peut s'apaiser en dehors d'un crime collectif. Prenant ainsi à contre pied la Renaissance et la contre-réforme, Bruegel nous montre la seule réalité sans équivoque de son époque : la victoire des forces Sataniques sur le message des Évangiles.
De la même manière, dans son dessin – Allégorie avec la chute d'un cheval – Heemskerck ne met-il pas en scène les conséquences paradoxalement néfastes qu'eurent sur le moyen âge le message biblique ? De l'attelage cher à Platon, il ne reste plus dans ce dessin qu'un coursier sans cavalier; qu'une masse de chair et de muscles emportant dans sa chute la sphère mystique du monde. A sa droite, le corps d'une femme à moitié dévêtue (serait-ce la Vierge ?) écrase dans son extase charnelle le corps du Christ.
Ainsi, loin d'avoir sauvé le monde, Bruegel et Heemskerck nous suggèrent ici que le christianisme n'a fait qu'accélérer sa chute. Privant le monde antique de son point d'équilibre (de sa croyance naïve en la culpabilité de la victime – du bouc-émissaire), le christianisme n'a pas seulement éclairé de sa lumière le monde antique – il l'a déstabilisé sans pour autant lui donner les moyens d'accéder au royaume de sa grâce.
Oeuvre(s)
- Pieter Bruegel le Vieux (Breda ? vers 1525 – 1569 Bruxelles)
L’Ire, 1557
Plume et encre brune.- 229 x 301 mm
© Gabinetto Disegni et Stampe degli Uffizi
- Maerten van Heemskerck (Heemskerck 1498 – 1574 Haarlem)
Allégorie avec la chute d’un cheval, 1555
Plume et encre grise et brune.- 204 x 260 mm
© Gabinetto Disegni et Stampe degli Uffizi
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