[MONO]SPYARCHI[CHROME]
du 25 novembre 2008 au 10 janvier 2009
galerie José Martinez - Lyon (1)
Réfléchir avec Raguenes
Il m'a été donné de suivre le parcours artistique de Paul Raguenes, de loin en proche, depuis le début des années quatre-vingt dix. La voie qu'il a choisie est celle de l'épuration et du refus des faux-semblants. Nous pouvons l'observer en lettres sur miroirs plus au moins teints où ressort la phrase: "I NEVER LOOK WHAT I SEE" au sein de la série des Miroirs gravés. Est-ce repenser "Ceci n'est pas une pipe!" de René Magritte?
Le chemin parcouru depuis les premiers papiers poudrés fut une sorte de prélude aux Monochromes des années 2000. Je me souviens d'une visite d'atelier, à Condrieu, durant laquelle Paul m'exposait ses vues quant à sa vision artistique, entouré de créations récentes en séchage. Nous avons passé une grande partie de la nuit à observer et déplacer des œuvres afin de créer des associations chromatiques et de format. Il en est ressorti que l'autonomisation du châssis peint à l'huile et poudré pouvait être autant peinture que sculpture.
Il allait de soi que l'évolution de l'art de Paul Raguenes tendrait à polir sa technique. Que de questionnements ont été formulés pour que ce concept simple, mais ô combien complexe à mettre en œuvre, utilisant le matériau réfléchissant par excellence, le miroir, puisse aboutir . Le but de sa démarche est de signifier à l'observateur que l'objectivité est toute relative et peut être déjouée à tout instant. Il nous suffit pour preuve de se mouvoir dans l'espace d'exposition et de regarder les modifications visuelles qu'oblige la médiatisation des œuvres. Les espaces se transforment à chacun de nos pas. Les jeux de lumière influencent notre perception, à l'instar des volumes qui ne cessent d'être redessinés. C'est une façon très élégante de nous faire prendre conscience de la subjectivité de la perspective, tel que nous l'a déjà proposé Leon Battista Alberti avec son De Pictura (1435). A la différence de ce dernier, la saturation en image que notre époque nous impose ne nous permet pas toujours d'avoir à l'esprit que nous pouvons et devons nous positionner, prendre parti, faire des choix qui nécessitent des renonciations et également de grandes libérations.
Paul Raguenes, par sa rigueur d'exécution et le fil rouge visible dans l'ensemble de son œuvre, tend à signaler à celui qui ne veut pas être dupe de perceptions standardisées, voire biaisées, qui limitent et normalisent le réel, peuvent faire l'effort de s'arracher aux contingences édictées par la saturation visuelle que nous inflige notre société de consommation. Belle leçon, à la manière d'un livre d'images du début du vingtième siècle à l'attention des têtes blondes en culotte courte ; l'artiste, ici, nous invite à décrypter les signes, mais aussi à modifier nos repères et par voies de conséquence, à éduquer notre regard, nous forcer à réfléchir, à nous réfléchir.
Thierry Weber, Lausanne, le 21 octobre 2008
Informations pratiques :
Galerie José Martinez
28 rue Burdeau, 69001 Lyon
33 (0)478 280 772
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