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21 novembre 2006 2 21 /11 /novembre /2006 20:04

IMAGINATION MORTE

OU LA QUESTION DU PAYSAGE

J-P Gavard-Perret

 

Meurtre dans un jardin anglais Paradoxalement c'est sans doute au XXème siècle et, non par un théoricien de l'art mais par un cinéaste Peter Greenaway que la question du paysage a été posée. Avec " Meurtre dans un jardin anglais " - premier long métrage narratif du réalisateur puis avec " Drawing by numbers " et " Le ventre de l'architecte " le metteur en scène britannique met l'accent sur la valeur du paysage, l'ordre et le désordre qu'il sous-tend ainsi que le type de réalité qu'il dévoile. Son " Meurtre", entre autres axes, interroge le pouvoir et les limites de ce genre puisque le sujet en est l'exécution, selon les termes d'un contrat, de douze dessins représentant des vues de la propriété de Compton Anstey. Demeure et jardins qui, dans ce contexte historique, incarnent eux-mêmes l'ordre établi et le pouvoir des propriétaires. La représentation réaliste que le dessinateur prétend en donner se veut littéralement une " reproduction ". Mais à travers son personnage d'artiste Greenaway met aussi l'accent entre le hiatus qui existe entre un faiseur ( et son incapacité à saisir la réalité puisqu'il retourne la passion du réel en passion des semblants) et le " vrai " peintre celui qui, en développant un langage propre, donne au paysage sa vraie nature.

Dans " Meurtre dans un jardin anglais " celui-ci symbolise un ordre et participe d'une " image de marque ". Le respect, le prestige d'un propriétaire peut être accru grâce aux services d'un artiste. A la fin du XVIIe siècle, explique Greenaway de nombreux peintres, dessinateurs, architectes gagnent leur vie en proposant leurs services à de riches propriétaires. Dans ce film, Mrs Herbert souhaite offrir à son mari douze dessins reproduisant des vues de la demeure et du jardin pour tenter de rassurer son mari quant à son autorité sur la propriété. Et Neville (peintre plus paysager que paysagiste) se vante de ne pas seulement "représenter", mais bien plutôt de "reproduire" objectivement ce qui est, tout ce qui est, rien que ce qui est . En utilisant des mires pour cadrer les vues, ainsi que du papier quadrillé, l'échelle exacte et le respect des proportions entre l'original et la reproduction sont garantis. Les codes figuratifs sont en apparence invisibles, d'où l'idée qu'ils sont " naturels ". C'est en cela précisément que l'on peut considérer ce réalisme comme l'instrument d'un établi qui se fait passer pour naturel.

Les limites d'un tel art pictural (tel que le conçoit le personnage) sont exposées grâce, à contrario, aux possibilités cinématographiques ; au milieu du film, on a notamment un très beau plan-séquence qui capte la lumière changeante au gré de la course des nuages depuis le fond du champ : c'est littéralement l'espace d'un instant qui se déploie dans ce rectangle d'espace. Tandis que de façon présomptueuse, la reproduction picturale de Neville tend à nier le passage du temps, Neville, malgré ses efforts pour rendre compte du paysage avec une exactitude scientifique, malgré ses "ordres" pour figer la réalité, ne parvient pas à repousser les limites de la représentation réaliste : ses dessins ne sont que des copies inférieures à l'original, inévitablement partielles et partiales. Le film pose donc la problématique de la représentation, mais exprime la dimension tragique d'un faux peintre arrogant, arriviste, mais surtout qui possède une compréhension très limitée de la nature et de l'art.

Neville prétend rendre une vue "objective" du jardin, cependant il va bien être obligé de reconnaître que la réalité est insaisissable "objectivement", dès que se pose la question du sens de ce qu'on voit, c'est à dire de l'interprétation. En tant que peintre "réaliste", Neville prétend peindre ce qui est, c'est à dire, ce qu'il voit, comme si la vue offrait une vision objective ; une telle position relève de la croyance en un Signifié transcendant (réalité ou vérité données) qui serait stable et accessible . Mais à celui qui assimile l'acuité visuelle à un pouvoir, à une connaissance, Mrs Talmann va faire la démonstration par la pratique que Neville est loin d'être omniscient, en soulignant la fonction imaginaire, et non seulement documentaire, du paysage. Et à partir du meurtre, l'on comprend que l'artiste n'a rien vu et rien compris du crime commis littéralement sous ses yeux, pire, il en est accusé !


La représentation pictural n'a au final pas le pouvoir auquel elle prétendait: en effet, la reproduction artistique est partielle et partiale, changeant au gré de la subjectivité, donc éphémère - pour preuve, les dessins partent en fumée à la fin du film (et font disparaître le film comme ils l'avaient fait advenir). Le paysage n'est qu'une représentation, un système de codes arbitraires et le film tourne en dérision l'artiste qui s'évertue par son art à copier la réalité mais demeure inapte à la saisir - sans doute parce que l'art dont il s'agit, exprime le déni du corps réel, vivant et mortel. Cependant Greenaway a fait le choix de la fiction pour porter ce message, comme si l'art était le seul moyen non pas d'atteindre le "Réel" (que Lacan dit perceptible à travers le corps souffrant et mortel) mais d'en dire quelque chose. Pour dénoncer les faux-semblant de l'ordre social comme celui de la peinture, Greenaway multiplie le pastiche qui permet de souligner l'artificialité de toute représentation paysagère. il évoque en les recréant des ambiances caractéristiques à certains tableaux, notamment de Vermeer, de La Tour ou du Caravage. Ces références sur la représentation picturale font que le film est extrêmement réflexif - à l'opposé du réalisme de Neville dont les codes se prétendent transparents. Le film développe l'idée que toute représentation du monde est une construction artificielle avec ses codes propres, qui peut néanmoins nous dire quelque chose du réel - selon l'interprétation qu'on lui donne : ainsi, il semble que le film comme le précise Greenaway lui-même " nous regarde le regarder".



Neville incarne donc l'illusion paysagère "réaliste" fidèle, objective, "naturelle" de la réalité, entretenue par la foi en un " Signifié transcendant " garant de l'ordre (historiquement identifié à Dieu puis à l'artiste lui-même). Toutefois, comme nous le disions plus haut, moins qu'un peintre, Neville est un faiseur et l'on pourrait prendre un peintre de la même époque ou presque : Poussin comme parangon d'une peinture paysagère digne de ce nom. Contrairement à Neville, Poussin n'est jamais un topographe mais le poète de la puissance des cycles de la nature et si le peintre français a "orné" ses tableaux d'arbres et de rochers ils ne possèdent qu'un rôle accessoire : immergé dans un paysage le peintre le recrée en une perspective particulière fruit d'une réflexion sur une nature que l'homme domestique mais qui bientôt le domine. Dans son "Paysage avec Diogène" par exemple, au delà de la description de la nature en ses variations de lumière, il existe une dimension quasi morale et qui correspond au paysage essentiel et intérieur de l'artiste. A l'image de Diogène tournant le dos à la ville, le peintre fait de même anticipant le refus du monde moderne afin de se soumettre aux éléments de la nature. Il en va de même avec son "Paysage avec un homme tué par un serpent". Comme l'écrit Diderot dans ses "Salons", "Poussin jette au milieu d'une scène champêtre l'épouvante, l'effroi, la terreur ". On les retrouve sans cesse dans son oeuvre. Son "Paysage frappé par la foudre" montre combien la qualité d'une lumière poudreuse contraste avec un ciel obscur et chargé des symboles de la violence d'une nature comparable à celle des passions humaines. Chez lui le déchaînement des forces de la nature accompagne donc sans cesse la déchirement de l'homme, l'absurde et sanglante méprise de son destin. Et ce n'est pas un hasard si Claude Simon a choisi son "Orion aveugle" afin d'illustrer ce qu'il en est de l'opposition entre l'être et le monde en sa grande méditation sur le destin de l'art. Pour Simon l'homme s'y efface, la nature le ramène à son rien.



Ainsi même lorsque la peinture paysagère était un genre dont l'un des objectifs ou des règles était une " photographie " d'un état de lieux, des artistes ont transcendé cette simple capture. Et Neville de Greenaway prouve que si la peinture se limite à cette tentative non seulement elle reste toujours partielle mais n'est rien. Le feu de l'artifice paysager lorsqu'il se limite à une prétendue copie ne laisse s'enflammer que des semblants. Comme Greenaway l'avait senti en affirmant que le tableau "nous regarde le regarder" qui nous regarde, le paysage n'a de valeur esthétique " opérante " que s'il existe à travers son motif, un retournement de la vue. L'oeuvre doit interroger le regard qui est sensé la voir. De l'oeil au regard s'instruit la médiation de l'oeuvre : soudain c'est elle qui fissure énigmatiquement les certitudes trop facilement acquises de la contemplation fétichiste du paysage et qui n'est plus - chez Poussin par exemple - seulement réduite alors à un objet purement frontal. A ce propos, Lacan fait une remarque capitale : "Dans le tableau toujours se manifeste quelque chose du regard. Le peintre le sait bien, dont la morale, la recherche, la quête, l'exercice est vraiment la sélection d'un certain mode de regard. A regarder les tableaux même les plus dépourvus de ce qu'on appelle communément le regard et qui est constitué par une paire d'yeux, des tableaux où toute représentation de la figure humaine est absente tel un paysage d'un peintre hollandais ou flamand vous finirez par voir en filigrane quelque chose de si spécifié pour chacun des peintres que vous aurez le sentiment de la présence du regard ".


La "béance oculaire" chère à Lacan s'inscrit dans la peinture de paysage sous diverses modalités. De Poussin à Elsheimer, de J. Vernet à H. Robert ou G. Wolf, la nature dans ses bizarreries et ses différences semblent venir devant nous, au devant de nous dans le royaume du bas comme une baudruche en train de se gonfler. Par exemple dans "La Cascade du Gelhenbach en hiver" (1778) de Wolf les reflets lumineux qui se concentrent sur le plan supérieur de l'échancrure, de la fente de la cascade font le jeu de l'entrebâillement de la mort à l'affût comme si se trouvait impliqué ici le cycle bio-tectonique selon lequel tout commencement (la source) est vouée à la fin et, vice-versa, toute fin "origine", dans la dévoration ou l'effondrement, un commencement. Et la créature sombre, achérontesque, qui nous regarde du fond des âges, en premier plan, cette sorte de veilleuse de nuit qui guette un improbable passeur d'âmes, nous renvoie, par sa centralité à la Vanité inscrite dans le paysage : deux trous, deux orbites "disent" la prise du spectateur dans un regard pourtant vidé de sa substance puisque sans yeux. C'est pourquoi on peut reprendre ce que Saussure écrivait à propos d'un tel tableau : "on croit entendre la voix de la nature et devenir le confident de ses opérations les plus secrètes". On peut aussi joindre à la remarque de Saussure celle de Kojève dans "L'Athéisme" à propos de la même oeuvre : "l'abîme est angoissant en tant que vide, comme lieu de la mort probable ou effective. Mais il est terrible si je me trouve sur son bord, si ma mort me vise de son fin fond comme c'est le cas dans la Cascade de Wolf" (L'Athéisme, 1931).

Dans la saisie du et par ce tableau de paysage quelque chose s'est donc produit qui n'est pas de l'ordre du simple point de vue mais qui constitue une sorte de mise en rêve du paysage et du rébus qui l'habite par l'oeil qui se cherche en lui, comme disait-on autrefois l'âme se cherche dans les miroirs. C'est pourquoi chez Wolf (comme chez les grands peintres paysagistes) deux opérations ont donc lieu en même temps : concentration mais aussi ouverture du champ. Avec en plus un effet de réflexion : le regard s'éprend, s'apprend, se surprend alors que l'oeil butinant et virevoltant reste toujours pressé. Il lui manque sans doute le poids de la mélancolie et de la mort et il se contente de passer d'un reflet à l'autre. Ainsi, l'oeil vise l'objet, le regard la chose - ou ce que Beckett nommait "la choséïté". Voulant inscrire entre ici et ailleurs son extra - territorialisé le regard fonctionne dans une dimension structurante qui, comme l'a montré Michaux, subvertit les notions habituelles de dehors et de dedans.

Le dimension du manque essentiel est donc au coeur de cette polarité oeil/regard. Non seulement des penseurs comme Lacan ont insisté sur ce point mais des peintres comme Hundertwasser ou Klee ont placé le problème du paysage au centre de leur travail. La plus célèbre oeuvre de Klee "Mine grave" (1939) érige un masque d'or sorte de pavillon de l'angoisse d'où surgissent deux ouvertures oculaires d'un intensité anthracite. La mélancolie transcendantale qui s'exprime là semble de nature à traverser la vision du spectateur jusqu'à atteindre un arrière-oeil, un au-delà non désignable mais pourtant déjà appréhendé et qui pourrait être le royaume des morts. Une autre de ses compositions "Avant la neige" (1929) présente un motif organique isolé dans un paysage aux couleurs sombres et menaçantes. Le thème de l'arbre solitaire dans un vaste paysage soumis à un climat hostile se retrouve d'ailleurs fréquemment dès la peinture romantique où il cherche en général à provoquer un état de communication empathique avec une nature soumise au déroulement des saisons. Mais Klee fait un pas de plus et montre ce qui échappe normalement au regard : la face interne d'une transformation des éléments naturels. C'est pourquoi il présente des plans irréguliers - de forte connotation organique à l'image de ce que Greenaway propose dans ses "paysages" - emboîtés les uns dans les autres. Cette oeuvre reprend d'ailleurs ses recherches précédentes sur la visualisation de la croissance et de ses perturbations atmosphériques. A la révélation romantique plus ou moins féerique succède en conséquence le désir de rapatrier l'oeil dans le regard et la chose dans l'objet peint pour témoigner d'une sur-vie dans le paysage de la nature. Ainsi, la circulation organique de la vision, par delà l'expérience du mal et de la mort, réassure l'homme comme si un troisième oeil lui étaient donné - à la manière de ce que proposent certaines cosmogonies asiatiques - afin de se retrouver à travers la peinture.


Ainsi dans la peinture paysagère et par delà ses apparences c'est le regard tout entier qui va se faire paysage. Que dire d'autre, à propos des tableaux d'Hundertwasser, de leurs cercles concentriques qui dessinent des yeux à profusion ? Sa peinture fait fonction de labyrinthe oculaire enlacé dans le paysage. Et pour lui l'oeil c'est aussi la fenêtre, il en a d'ailleurs beaucoup parlé dans ses écrits théoriques. Toute la problématique de l'architecte et du paysagiste Hundertwasser qui se voulait "une taupe voyante" n'avait qu'un but : remonter à la source de toutes les fissures, de tous les interstices, s'insinuer au coeur des éléments afin de les faire communiquer dans une unique et gigantesque métaphore de l'" homo-humus ". C'est en ce sens qu'il faut considérer la traversée des apparences qu'il suggère dès ses premières oeuvres : son " Bateaux-boucles " par exemple où le paysage traverse un visage et où le visage génère un paysage. Pour qui vit dans une dimension apocalyptique, Hundertwasser est donc l'héritier de ceux que naguère on appelait les primitifs de la peinture et il apparaît comme le dernier grand paysagiste au moment même où pourtant ses paysages sont comme chassés du tableau par les désertificateurs mentaux du géométrisme carcéral, du minimalisme et de l'idolâtrie d'une certaine neutralisation. C'est pourquoi au subjectivisme qui s'emploie - dans sa fascination morbide - à dévaloriser la couleur et à prôner l'autisme du dessin, Hundertwasser - tel Spinoza s'efforçant de polir avec patience jusqu'à la perfection, dans sa retraite, ses lentilles optiques comme pour mieux affiner les instruments de perception de la nature - propose, en l'allégeant, de désenclaver le fantasme, de redonner au leurre non pas le brillant factice de l'illusion mais sa valeur d'instrument de rituel de la chasse, bref l'indispensable gage d'un parcours "heureux" dans la mise en évidence du Regard. Le peintre nous prouve ainsi qu'un art de la célébration du paysage est encore possible à condition de rapatrier l'homme dans sa Demeure (ethos). Aussi, re-découvrir le paysage dans le lieu de la peinture c'est comme, à la suite d'un deuil, se réapproprier sa maison. Cette volonté, quasi végétale, de régénération, Hundertwasser la partage avec le Greenaway de " Drawing by Numbers ", avec Klee qui, en sa "Confession du créateur" insiste parlant à propos du paysage "d'un cosmos constitué de formes".

Ainsi les vrais peintres du paysage ne sont jamais des peintres de paysage. Ils en sont même les opposés. Certes on aurait pu parler bien sûr de Van Gogh ou des impressionnistes. Mais là la démonstration était trop évidente tant la volonté délibérée d'un tel artiste et d'un tel mouvement signait la mort effective d'une telle peinture. Mais ceux qui se sont voulu des paysagistes tout en reléguant d'une certaine manière le motif au second plan et quelles que soient leurs époques de créations on sortit leur peinture tant du chemin du rêve que de la réalité afin de tourner autour de ce que Catherine Millot nomme "un point trou", qui est une expérience du retournement, du renversement du paysage jusqu'à faire - dans un sentiment quasi mystique de la peinture - de la déréliction du paysage une extase, de sa détresse une plénitude. L'inverse reste tout aussi possible. Le tableau paysage ne sombre que s'il n'est que ce qu'il veut mais ne peut donner. Certes en ce genre les Neville font florès et encore aujourd'hui ils sont souvent des heureux aux mains pleines, car ils font ce que le sens commun croit que la peinture peut donner. Pourtant sans contexte d'incroyance face au paysage à représenter, sans une expérience intérieure la représentation n'est qu'un abîme ordinaire ou une prostitution de la peinture par elle-même. L'expérience épiphanique du réel n'est le fait que du travail pictural sur son langage lui-même. Sans cela elle n'est rien qui vaille et fait prendre sa vessie pour une lanterne qui n'a rien de magique ou de révélateur.

L'émerveillement que le monde extérieur offre aux artistes ne peut se contenter de ce que l'Académie des Beaux-arts estimait obligatoire au XVIIème siècle, à savoir "l'imitation de la nature en toute chose". Certes si cette "mission" pouvait, quoique discutable, se comprendre à une époque qui ignorait la photographie et le cinéma, elle n'est aujourd'hui même pas un divertissement d'ilote. Et lorsqu'un artiste s'attache à un élément de nature il obéit à une pulsion intérieure qui est déjà une confrontation et une rupture avec le réel. C'est elle qui fait la séparation entre le peintre et le faiseur. Souvenons nous à ce titre de la fameuse phrase de Bonnard à propos des peintres paysagistes : "On fait bien la différence entre les peintres qui savent se défendre contre le motif et ceux qui lui emboîte le pas". F-B Michel, actuel président de l'Académie des Beaux-arts montre d'ailleurs combien le conservatisme baigne encore la conception du paysage. Pour lui Le Titien ou Vélasquez se sont laissé séduire sans défense par le motif : c'est là ne rien comprendre à l'essence de la peinture et, bien sûr, à celle du Titien et de Vélasquez en particulier. Et si comme le disait Proust "la nature empreinte à l'art tous ses privilèges", celui-ci ne doit pas lui rendre la pareille. Et Beckett a montré combien tout peintre paysagiste est avant tout un "abstracteur de quintessence". C'est là le plus grand hommage qu'on doit porter à une peinture qui en dépit de son approche doit cultiver, comme Baudelaire, "une sainte horreur de la trivialité positive". Bref les vrais peintres du paysage lorsqu'ils font éclater le motif pour que la peinture existe resteront toujours plus proches de Poussin que des Neville.

 

 

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