Edito
La Feuillée de décembre 2006
Amour de papier !
On en finit plus de regarder le XXème siècle qui s'éloigne. Bilan et constat. Alors le XXème pour moi ? Si je me retourne, comment je le vois ? J'ai envie de déclarer, c'est le siècle d'or du papier.
Les artistes ont utilisé le papier découpé et collé. Ils ont signé peintures ou dessins sur papier, leur prêtant sans même y penser la même valeur que des œuvres sur toile par exemple. D'autres productions qualifiées de "multiples", lithographies, gravures , sérigraphies, photographies, livres d'artiste... ont aussi acquis le statut d'œuvres originales, et pour cause....
Pendant ce temps, au tableau de bord des grands papetiers, tous les signaux clignotent. Le papier est en danger. Et, au jour le jour nos écrans d'ordinateur nous procurent bien la preuve de l'inutilité de nombreux supports "papier" imprimés. On en vient à considérer ébahis un gaspillage qu'aucun recyclage ne peut compenser.
Estampa à Madrid, cette belle manifestation "tout papier" dédiée à l'imprimé a fait la part belle pour sa quatorzième édition aux vidéastes ( affreux ce mot). Comment l'expliquer ?
Amour de papier ! Artistes, ne le laissez pas tomber. Léger, sans prétention , il vous accompagne dans votre processus créatif, support de vos esquisses, de vos ébauches. Il est la mémoire d'une gestuelle fine et élaborée pour laquelle le talent de la main est entièrement requis. Sans lui, sans vous, la pratique du geste pourrait s'effacer. Notre rapport plastique au monde en serait entièrement modifié.
Conservons lui, ses lettres de noblesses. Il est souple et résistant, on peut parier sur sa longévité. Il est vivant et tactile, d'où un plaisir partagé entre l'artiste et l'amateur. Et puis, il peut être luxueux.
N'oublios pas les beaux papiers, ceux qui éclairent intimement les œuvres d'une lumière douce au regard. Multiples par-ci, œuvres originales par-là, photographies, livres d'artiste..., vous aurez nécessairement raison de parier sur le papier encore une fois.
1000 ans d'emploi, dans notre Occident culturel ça ne s'efface pas comme ça. On lui a livré le meilleur et le pire. Il souffre, c'est normal. Soyons exigeant, choisissons de retenir, conserver, pérenniser ce qui relève de sa nature essentielle, la liberté dans notre relation plastique au monde.
Catherine Plassart
voir aussi : La Feuillée de décembre 2006
Catherine Plassart
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