Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
20 mars 2006 1 20 /03 /mars /2006 11:16
Contre-ciel (extrait)
 

On entendit des bruits de baïonnettes et d'éperons. Le délai accordé prenait fin. Sur son cou le poète sentit le chatouillement du chanvre et au creux de l'estomac la patte griffue de la mort. Et alors, au dernier moment, la parole éclata par sa bouche, vociférant :

 

Aux armes ! A vos fourches, à vos couteaux,
A vos cailloux, à vos marteaux,
vous êtes mille, vous êtes forts,
délivrez-vous, délivrez-moi !
Je veux vivre, vivez avec moi !
Tuez à coups de faux, tuez à coups de pierres !
Faites que je vive et moi, je vous ferai retrouver la parole !

 

Mais ce fut son premier et son dernier poème. Le peuple était déjà bien trop terrorisé. Et pour avoir trop balancé pendant sa vie, le poète se balance encore après sa mort. Car c'est souvent le sort, ou le tort des poètes, de parler trop tard, ou trop tôt.


René Daumal, in Contre-ciel, Poésie Gallimard

voir aussi : le site de Jean-Pierre Rosnay Les dernières paroles du poète, notre dossier René Daumal
Partager cet article
Repost0

commentaires