Les sculptures d’Emmanuel Fillot sont constituées d’objets naturels qui semblent flotter dans l’espace. Fixant pierres et plumes de part et d’autre d’une plaque de plexiglas, il prête alors à des galets marins une surprenante dimension aérienne. En écho à des plumes rouges ou bleues, il apporte une palette constituée de silex noirs et beiges, marnes grises, grès ocres, latérites rouges, anthracites noirs et autres quartz blancs. Ses deux nouvelles séries se nomment constellations et archipels, figures célestes et terrestres, où il disperse les éléments à la limite de l’ordre. Si sculpter est bien travailler la matière première, une constante dans l’oeuvre d’Emmanuel Fillot est qu’il retravaille les formes premières. Le rythme qu’il donne à ces fragments naturels crée un espace dynamique à la manière d’une composition musicale : avec des plumes et des cailloux, Emmanuel Fillot compose des harmonies (par leur superposition de part et d’autre de la plaque) et des mélodies (par le rythme avec lequel il les place dans l’espace). Dans ses compositions les plus récentes, Emmanuel Fillot introduit l’image des éléments en intégrant des photographies de flots ou de nuages à la plaque de plexiglas, donnant à l’ensemble toujours plus de mouvement.
Emmanuel Fillot est un artiste. Oserais-je dire un paysagiste ? Oui, si on admet que le paysage s’est libéré de la loi de la perspective. Un temps, j’ai cru que ses cailloux étaient des météorites. Je pensais qu’il y avait quelque chose de céleste dans ses oeuvres, mais il ne faut pas confondre la blancheur des murs avec celle de l’infini. Il travaille entre les deux. Je ne crois pas qu’il y ait chez Fillot une volonté systématique de poser question, de faire douter de ce qu’on est, de ce qu’on sait. Peut-être lirait-on dans son oeuvre non pas une naïveté mais plutôt la recherche permanente de l’insolite, l’attention soudaine à ce qu’il n’avait jamais vu, jamais ressenti encore, c’est-à-dire une disponibilité obscure à la surprise. Cela, évidemment, lui donne le surréalisme pour ancêtre, mais le mouvement a disparu, Jean Schuster en a fermé la trappe, comme il le devait. Et, chez Fillot, n’en demeure que le parfum. Pierre Descargues, avril 2007. |