Art contemporain : un regard lavé de tout soupçon sur l'actualité des expositions, des salons, des événements culturels en France et en Europe.
peintures
du 12 mai au 18 juin 2011
Galerie Im Zöpfli - Luzern Suisse
Sergio Alvarez Frugoni. Le tragique et le merveilleux.
« On veut toujours que l'imagination soit la faculté de former des images. Or elle est plutôt la faculté de déformer les images fournies par la perception. » Gaston Bachelard
Des tropiques aux côtes de la méditerranée, l'artiste a voyagé et fait l'expérience de lieux multiples. L'œuvre est grande et pénétrée de ce qui exsude du métissage des perceptions, du mélange et brassage des impressions liés à la connaissance sensible de territoires divers. L'ensemble des peintures de Sergio Alvarez Frugoni force cependant le constat d'une unité et d'une cohérence. Car le peintre fidèle à son vocabulaire et à sa grammaire plastique n'a jamais douté de son médium. Déterminé voire tenace, il affirme son projet en peinture dans la durée.
Sergio Alvarez-Frugoni sait l'approche sensuelle des choses désirables et possède la faculté d'émerveillement. Il envisage a contrario la profondeur noire de la tragique déchirure quand tout vole en éclat et que le sol se dérobe. Il n'ignore pas non plus l'absurdité, la bouffonnerie ou le grotesque des pires cauchemars. Il est cet homme arc-en-ciel au corps de suie, tatoué de la tâche rouge du vivant. Aveugle à la sauvagerie des sociétés humaines, il concentre sa force animale et tout son pouvoir d'imagination dans un crâne primitif et fabuleux. Bouche entrouverte disant l'appétit et la fureur de vivre, calotte crânienne hérissée d'une dangereuse scie osseuse telle celle d'un poisson des abysses, l'homme se souvient de ses origines ancestrales, parcourt les millénaires et emprunte avec témérité et bravoure la passerelle virtuelle qui conduit à l'espace de la création. L'arc-en-ciel qui fuse et raie son ciel de couleurs épaisses et chatoyantes est le pont de l'expérience poétique et émotionnelle qui conduit à l'"île".
Depuis 1997, Sergio Alvarez Frugoni a installé son atelier à Majorque. Mais son île véritable est un espace bien particulier, unique et personnel. Un univers peuplé de formes délicates ou extravagantes qui se montrent ou se cachent, se livrent ou se dérobent. Un univers enfin de grands fonds au couleurs vives, lumineuses, tendues qui au delà de l'abstraction elle-même dévoile un idéal à atteindre. La jungle des figures énigmatiques, part sonore de l'œuvre ne demande bientôt qu’à se soustraire, pour laisser place entière à l'éloquent silence de la couleur infinie, quelque part entre le connu et l'inconnu.
L'espace protecteur de l'"île" rejette au loin l'indésirable. Cette région favorable est alors l'endroit que l'on habite, l'asile. Pourtant elle demeure envers et contre tout une destination. Ses limites, bandes de sable ondulantes, cordons littoraux, baies... sont des frontières impalpables à franchir. Son principe même annihile l'indolence et valorise le déplacement et la quête. Le lieu invite à de nouvelles traversées artistiques. Et le peintre vogue encore et toujours vers une autre version d'une parcelle de terre émergée, parcourant dans la joie et l'angoisse, la distance magique entre le monde réel et ses représentations imaginaires.
Ayant connu les douceurs du paradis et la gifle des tempêtes, Sergio Alvarez Frugoni suit avec délice ou horreur les traces d’une intimité fantasmée. On aime la place qu'il accorde au féminin dans ses tableaux.
- Qui es-tu « cabra » ? Une métaphore de la féminité, de la fécondité, de la mère nourricière ? Peut-être es-tu une chevrette gazelle qui s'élance joyeusement, emportant le caducée de l'Hermès antique, le dieu des connaissances cachées au vulgaire comme sur une fresque du IVe siècle, dans la catacombe de Calliste ? Plus encore ! Dans ton besoin d'élévation, rejoignant les poissons et les oiseaux dans un milieu magique, tu es l'ambassadrice d’une fusion inédite entre topos et cosmos. En incarnant des préoccupations fondamentales : lutter, vivre, te battre et garder la tête haute, en réverbérant les souvenirs heureux, les rires et les bonheurs, tu es celle par qui l'harmonie advient. Tu allèges la douleur du monde. Tu es cette corde tendue entre la vie et l'art. Abreuvée de résurgences étonnantes, de sources archaïques, tu es le sujet, la muse et le peintre lui-même. Celui, qui artiste corps et âme, relève seul le défi de la beauté en approchant la perspective du transcendant et de l'illimité.
Sergio Alvarez Frugoni sait le ciel père et la terre mère. Il nous tient au centre d'un monde protégé et protecteur. Territoire bleu outremer de l'imaginaire, frêle radeau flottant sur l'encre noire des gouffres. Des camaïeux subtils de gris clair et de blancs, ponctués de signes ocre ou bistre noient l'horizon, réduisent la cruauté et amoindrissent la violence. Un éclat cubique de jaune exalté invite à lever les yeux. Parfois la porte d'un espace monochrome rouge s'ouvre, c'est un jardin.
Catherine Plassart
photos : (1) Morgendämmerung am Mittelmeer / Aube en Méditerrannée, (2) Figur im gras / Silhouette dans l'herbe, (3) Playa / La plage
Informations pratiques :
Vernissage le 12. Mai 2011, de 18.00 à 21.00 h
Galerie Im Zöpfli
6004 Luzern Suisse
ouvert du mardi au vendredi de 13.30 h à 18.30 h
le samedi de 10.00 h à 16.00h
le dimanche de 13.30 h à 20.00 h
voir aussi : la vitrine de Sergio Alvarez Frugoni dans Art Point France, le site personnel de l'artiste, le site de la galerie Im Zöpfli