Art contemporain : un regard lavé de tout soupçon sur l'actualité des expositions, des salons, des événements culturels en France et en Europe.
Jeff Healey : jamais vaincu.
C'était une romance anglaise de Georges Harrison, où il était question d'un amour endormi, de regards oublieux et de guitares "pleurant". L'homme assis, aveugle, chantait d'une voix vibrante. Trois minutes après il mordait en interprétant "Yer blues" : la guitare coupante, la mélodie, mesuraient la force du battement de son coeur qui exhalait une plainte amoureuse avec des sons métalliques. De partout on voyait s'incliner la courant qui passait. Il me regardait au loin, l'oeil vague. Puis quand il eut fini d'interpréter "I think I love you too much" il remua de sa chaise et se mit à bondir en tenant sa guitare de côté. Je m'approchai humblement de lui après le concert nocturne :
- Vous avez appris à jouer à l'école ?
Il remua ses yeux :
- Crois-tu que la jeunesse apprend ça en classe ?
C'était un homme blond sans patriarche à honorer, un Canadien prodigieux qui ne se retournait que devant l'ombre de Jimi Hendrix peut-être.
- Eh bien ! dit-il en soupirant, ce soir ce fut comme une émeute intérieure encore !
- Oui, lui répondis-je, et la société secrète des hommes sans compromis a aussi épouvanté le bourgeois !
- Vous croyez encore à ça, vous ?
Il haussa les épaules et s'enfonça dans un couloir.
PG
Jeff Healey, auteur compositeur et interprète aveugle est mort en 2008 à l'âge de 41 ans.
Ecouter "See the light" live (You tube) entre autres
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