Le Partage de midi Alors que « face à un réel incertain, la figure de l’homme se fait plus confuse » (Georges Balandier), les forces vives d'un possible réenchantement sont toujours là. Les artistes se trouvent en première ligne pour nous livrer, par leurs créations, de nouvelles utopies ou réactiver le champ d’une mémoire immémoriale. L’exploration du passé, parce qu’elle a à voir avec la mort, la perte et l’oubli, mais aussi parce qu’elle les dépasse, avec l’espoir de résoudre le mystère de la vie et redonner corps au passé, fonctionne comme un réservoir d’imaginaire. Si la peinture de Christine Sefolosha peut-être rattachée à l’art des temps immémoriaux, elle n’en est pas moins une œuvre éminemment contemporaine, qui brouille les repères temporels au point que la frontière entre passé, présent et futur tend à s’effacer. Son affinité pour la perception archaïque du monde trouve son point d’ancrage dans la peinture pariétale de l’ère paléolithique. Moment de la naissance de l’art, moment de la naissance de l’homme qu’elle exalte en développant un bestiaire fantastique aux accents d’inquiétante étrangeté : tout un monde de créatures hybrides, de spectres, d’animaux solitaires ou regroupés dans la toile d’un clair obscur vaporeux. On y décèle l’opération magique entre la représentation de l’animal et le pouvoir chamanique, la séparation accomplie entre l’homme et la nature, la culture et l’instinct, la raison et l’inconscient. L’artiste pénètre l’ambivalence du monde animal : « Je me sens bien en leur compagnie. Ils sont de grands consolateurs de chagrins d’enfant. Ils nous ramènent à l’innocence, à l’état naturel, à l’état sauvage et à l’instinct aussi. » …« ce sont des symboles de mes visions intérieures, de mes états de conscience ». Aveu qui fait écho à Maurice Blanchot : « L’animal ouvre devant moi une profondeur qui m’attire et qui m’est familière. Cette profondeur, en un sens, je la connais : c’est la mienne. Elle est aussi ce qui m’est le plus lointainement dérobé, ce qui mérite ce nom de profondeur qui veut dire avec précision ce qui m’échappe. […] Je ne sais quoi de doux, de secret et de douloureux prolonge dans ces ténèbres animales l’intimité de la lueur qui veille en nous. » . Cette conscience douloureuse atemporelle s’exprime dans les dessins de Christine Sefolosha avec violence - animaux pétrifiés, visages humains sans traits, métamorphoses monstrueuses. Elle signifie la détresse et l’horreur du moment où l’homme se rend compte de la part animale qu’il détient et, d’une certaine façon, de l’état paradisiaque qu’il quitte pour un monde création technique sans retour où sa condition humaine et sa destinée personnelle ne peuvent être pensées qu’en terme de finitude. La genèse d’une œuvre d’art, qui réactualise ce moment, relève de ce mystère. Le sens ultime et troublant que l’on peut attribuer à l’oeuvre de Christine Sefolosha est l’expression de l’émotion d’un être en métamorphose qui mesure tout ce qu’il perd à devenir humain. Martine Lusardy, Directrice de la Halle Saint Pierre commissaire de l'exposition et auteur avec Annie Carlano du catalogue paru aux eds Fragments international
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informations pratiques : Halle Saint Pierre 2, rue Ronsard - 75018 Paris M° : Anvers, Abbesses Tél. : 33 (0) 1 42 58 72 89 Ouvert tous les jours de 10h à 18h En août : ouverture de 12h à 18h, fermé le weed end Expositions temporaires : 7,50€, tarif réduit 6€
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