Art contemporain : un regard lavé de tout soupçon sur l'actualité des expositions, des salons, des événements culturels en France et en Europe.
Au-delà du point critique, on se rappelle des images de ses premiers films, son "époque" bleue. Des panoramiques qui flottent dans toutes nos mémoires. Les lumières lourdes de la ville basse et tentaculaire. Ces personnages ( De Niro dans Taxi Driver,1976 ). Les femmes qu'on aimait imaginer "au crépuscule" (Liza Minelli dans New York, New York,1977). Ces êtres "cultes", ces refusés qui s'étonnent d'avoir atteint le but à l'horizon. La profondeur de ses tableaux parfaits encore ( No direction home : Bob Dylan, 2005).
A côté de lui on regarde le cinéma beaucoup moins calmement. Il a conçu la grâce et s'achemine vers les formes les plus objectives du 7ème art : le documentaire, pour l'élever au sublime. On veut parler maintenant de "Shine a Light" (2008), d'après un concert-prétexte donné par les Rolling Stones à l'invitation de l'ex-président des USA, Bill Clinton en faveur de la lutte contre le réchauffement climatique. Scorses se surpasse et monte ici à travers les nuages de la musique des Stones, jusqu'à la lumière du soleil du Rock'n'Roll. Comme le dernier cri d'un mourant il hurle, à la façon d'un peintre de l'école hollandaise (Rembrandt), "Plus haut, plus clair, plus artiste ! ".
L'état d'âme de Martin Scorsese nous intéresse. Sa volonté de s'enivrer et cette déclaration originale en faveur de ces hommes remplis de défauts, d'empêchements et qui veulent jouer et chanter la musique des Noirs en mouvement. Eux qui ont gagné la légitimité d'un Muddy Waters, sans manie, sans être "pompiers" non plus. Scorsese filme donc là le futur, la volonté esthétique de faire crédit à l'utopie, loin des déclarations gratuites. Deux heures de bonheur à l'école du Rythm'n'Blues sous l'influence d'un Mick Jagger jamais niais. Le meilleur des plans inspirés de la production de Scorsese. Pas si simple, mais si grandiose !
L'énumération de morceaux joués et empruntés aux souhaits des artistes, jamais vulgaires ici, mais toujours préoccupés par leur idée d'être véritables. La jeune musique peut essayer de rivaliser avec eux. Scorsese a eu le don d'en avoir l'idée puissante, inspirée par la foi éveillée d'un amateur authentique des racines du Rock : Le Blues (et l'on pense au duo mémorable Buddy Guy- Mick Jagger au coeur du film). Lyrisme, mystique de la folie sur place, inclination à chercher la vérité dans l'expression des visages fatigués, surpassés. Effort pour rendre la beauté des stigmates de l'âge. Depuis longtemps la musique anglaise court après l'Amérique. Aujourd'hui un italo-américain (Scorsese) le lui rend bien . Grand peintre de la caméra il restaure la poésie rock à la dignité des arts et des lettres.
PG
"Shine a Light", film documentaire de Martin Scorsese, visible dans les (bonnes) salles obscures de France depuis quatre semaines.