Art contemporain : un regard lavé de tout soupçon sur l'actualité des expositions, des salons, des événements culturels en France et en Europe.
Le déploiement des ambigüités.
Ces éléments gigantesques (plaques métalliques de dix sept mètres de hauteur, quatre de largeur, pesant chacune soixante-quinze tonnes) comme des matériaux extra-terrestres bruts et difficilement intégrables à notre champ visuel habitent paradoxalement la nef de verre et d'acier du Grand Palais.
Et l'on pense tout à la fois à Walter Benjamin dans "Paris, capitale du XIX ème" car l'architecture du lieu nous y renvoie et au mythe d'un espace-labyrinthe à déchiffrer comme un texte obscur ou un tableau. Et l'on retrouve des lilliputiens en train de déambuler au pied d'une création fantastique, des spectateurs qui, sans doute comme ceux qui un siècle auparavant s'extasiaient à quelques centaines de mètres de là devant le symbole des temps modernes : la tour Eiffel, ont une sorte de haut-le coeur. Il y avait eu les cubistes, les futuristes, les collages, les matériaux pauvres... Et maintenant Serra qui s'inscrit comme dans la postérité du dadaïsme ici.
Mais dans ce nouveau théâtre du monde les "oeuvres" en bonne et due forme rangées les unes à côté des autres, savamment alignées, mettent un terme à la dispute sur la fin de l'art. On entre ici dans un territoire nouveau qui n'a rien pourtant de carnavalesque. Loin des provocations et des urinoirs, comme un manifeste des combats inutiles contre la société du spectacle plutôt. Une critique de la vie quotidienne qui déboucherait sur une révolte métaphysique et suscite le malaise pour au moins deux raisons. La première : Richard Serra est le premier sculpteur à atteindre le miroir fidèle de la démesure avec ses monuments métalliques en déséquilibre stabilisé. Et il nous oblige à regarder ce devant quoi nous passons toujours : la vanité de nos petits bouts de vie éparpillés dans le néant. De la même manière il véhicule une supposition, un "symptôme", celui d'une révolution culturelle contre le pouvoir des apparences. Tout se passe comme si l'artiste nous ouvrait, une fois de plus, grandes les portes du Vide. Un néant "à la puissance deux" car non assujetti aux lois du monde, non critiquable et pourtant dur comme le fer rouillé qui nous détourne du Grand Palais.
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"Monumenta 2008" Richard Serra "Pomenade" Grand Palais, du 07/05 au 15/06 2008 à Paris.