Art contemporain : un regard lavé de tout soupçon sur l'actualité des expositions, des salons, des événements culturels en France et en Europe.
Visages de la barbarie.
Dans son texte sur Franta, Jean-Luc Chalumeau écrit : "Il n'y a qu'une question fondamentale, à laquelle aucun philosophe, aucun artiste n'échappe, celle dont la morsure est à l'origine de sa vocation de penseur ou de créateur, c'est à-dire : qu'en est-il du mal ? "
Il est clair que le XX ème siècle a été en même temps que le siècle de l'entrée de toute la planète dans la modernité celui de la chute dans la barbarie. La banalisation de la violence organisée scientifiquement, l'instrumentalisation de l'homme, la radicale négation de toute conscience morale ont fait le reste.
Il ne s'agit pas ici de faire le procès de l'histoire et Chalumeau, citant Camus à la fin de son essai, prend la peine de se référer à l'auteur de l'Homme Révolté, livre qui est un appel à la lucidité devant ce qu'en un autre temps on appelait la croyance en l'Histoire, c'est à dire la religion du progrès, entendu comme marche de la Raison "instrumentale". On en a voulu à Camus dans les années cinquante pour avoir, à la suite de Nietzsche, dénoncé cette foi nouvelle qui faisait face à l'ancienne. Aujourd'hui plus personne ne nie le prophétisme d'un tel diagnostic. Et Camus, Orwell, font désormais figure de classiques de la pensée anti-totalitaire.
Il reste que la question du mal historique demeure pour une part notre impensé, car elle ébranle le socle de notre civilisation occidentale érigée depuis la Renaissance sur l'idée d'ailleurs louable d'émancipation de l'homme. C'est là que l'artiste intervient dans le débat et qu'il joue un rôle critique que souligne Chalumeau.
Le sens du beau, celui de l'Humain et du terrestre nous rappellent sans cesse à ce que Camus nommait dans le même livre "la pensée des limites". Héraclite en effet nous avait averti il y a des millénaires. L'oubli de la mesure favorise le déchaînement et la furie. Le mal gît dans cet exercice de la liberté mal comprise. L'énigme du mal dont parlait Kant est bien en nous la preuve de notre liberté. A nous d'être à la hauteur de la tâche d'approcher "l'humanité de l'homme" pour plagier ce dernier. Franta par sa peinture et sa sculpture ne dit rien d'autre.
L'exposition monographique du peintre français d'origine tchécoslovaque FRANTA, à la Chapelle de l'Observance à Draguignan du 18 octobre au 1er décembre 2007 est aussi l'occasion d'une présentation du superbe ouvrage (texte de Jean-Luc Chalumeau ) que les éditions Somogy consacrent à l'artiste.
Pierre Givodan
Franta, Texte de Jean-Luc Chalumeau, 152p. , Broché 25 x 28 cm Somogy Editions d'Art (2007).
FRANTA
du 18 octobre au 1er décembre 2007
Chapelle de l'Observance
83300 Draguignan
du mardi au samedi de 10h à 12h et 14h à 19h.
voir aussi : notre dossier Franta