Le travail en peinture de Pierre Givodan témoigne d'une extrême liberté. Au centre de la mise en espace de sa mythologie personnelle : le jardin, fouillis de végétaux et de couleurs, lieu aux topographies ludiques. La palette est vaste, beaucoup de couleurs franches et éclatantes mais aussi d'autres plus sourdes, plus tendres. Chez Pierre Givodan, peu de formes sont immédiatement lisibles, mais des lignes, des tâches, des applats réécrivent le monde sensible, et le métamorphosent selon les rêves du désir. L'artiste a choisi la simplicité car l'essentiel est toujours simple. Il ne se prive pas de l'imprévisible. Son oeuvre comme un hommage aux primitifs est séduisante et paradoxale, renouvelée toujours des échos du passé. On comprend Pierre Givodan lorsqu'il écrit : L'Ouvert est la voie sure. La clé en est certaine. Dans le chemin qui s'offre est la garantie de la route la porte jamais ne reste fermée à celui qui ose le départ. Il n'y a qu'un moyen de ne pas perdre le but viser haut et loin vers la clarté entrevue Les étoiles sont là pour indiquer le nord et le sud au voyageur indéterminé. L'océan stable porte toujours un secret, la montagne aussi est un symbole fixe Nulle étincelle ne suffit à allumer le feu du remord... Aux quatre coins du monde sont suspendus les jardins à trouver. Pierre Givodan " La fable des jardins" août 2006 Ainsi, dans "La fable des jardins", Pierre Givodan arrange ses lignes, ses couleurs. Le sujet est un prétexte. Il ne représente absolument rien de réel. Où sont les fleurs, les arbres, les herbes folles ? les haies, les buissons les allées ? les pièces d'eau, les bancs, les tonnelles ? Pierre Givodan se contente de faire bouger la terre. Silence et présence de jardins affabulés. Tâches "sans rimes", applats bleus, verts, roses, jaunes, lignes affirmées, signes, graphes entremêlés dessinent sur la toile et sur le papier, une succession de jardins suspendus. Ils s'additionnent, tous semblables, tous différents. "La fable des jardins" est un ensemble d'oeuvres de formats petits, moyens et grands. Réunies, elles construisent un lieu utopique, elles tentent de rendre présent pour la conscience ce que l'on ne visualise pas. Dissossiées, elles battent de leur vie propre, elles trahissent leur fragilité, affirment leur permanence. Lorsqu'il y a quasi un siècle des artistes ont pris le parti de la singularité et de la rupture, ils ont fait franchir à la peinture les étapes qui devaient les conduire à la fin des images. Ils ont "pénétré dans la peinture avec tout leur corps" (Matisse). A l'heure du "tout virtuel", l'audace consiste à révéler indéfinimment ce corps matière, lumière et couleur. Réaction, provocation ou nécessité d'exploration sans fin ? "En art pas de politesse, c'est du désir brut" (COBRA) Le peintre connaît bien le monde des idées, il leur refuse pourtant l'accès à sa peinture. Car Gauguin le disait déjà , la peinture doit "faire penser comme la musique fait penser sans le secours des idées et des images, simplement par les affinités mystérieuses qui sont entre nos cerveaux et tels arrangements de couleurs et de lignes." Pas de discours donc, mais un langage de signes intelligible à qui laisse ouvertes les portes du coeur et de l'être. Les bombes font sauter la terre. Elles font de belles crevasses dans le sol. Elles possèdent sans doute la seule force qui soit réelle, la seule en tout cas que l'homme semble capable de mettre en jeu. Et pourtant... Le peintre crée a tout va. Il nous enveloppe de peinture. Il comble les trous restés béants. Il nous invite à emprunter les chemins de tous les possibles. Dans la solitude, l'incommunicablité, le fracas du monde, les jardins de cette fable peinte nous disent les peines, les joies, et les espoirs d'un autre homme, celui de toujours. Catherine Plassart |