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3 janvier 2007 3 03 /01 /janvier /2007 08:48
(Propos sur l’utopie occidentale)
 

«  Tout notre savoir sera mort dès l’instant où se fermera la porte de l’avenir » Inferno.10 Dante La phrase est extraite de la prophétie aux Enfers citée par Georges Steiner dans son analyse du rapport  entre savoir et croyance en l’avenir ,( le Château de Barbe Bleue).


La thèse n’est pas nouvelle, d’un lien entre croyance  en soi et vie intellectuelle, liberté et avenir. Il n’y a de futur que pour ceux qui savent faire quelque chose  de leur savoir. Toute société sans projet est vouée à l’oubli et la mémoire passe  par la connaissance historique. L’écueil est donc  double : d’une part assumer l’urgence de développer une connaissance  fiable et ensuite soutenir la nécessité de rattacher toute connaissance à une foi dans un futur. On peut se demander parfois ce qui fait cependant la spécificité de la société occidentale, sa nature et ses buts. Il suffit pour cela d’interroger  quelqu’un qui en est par accident ou essentiellement étranger.  Celui-ci nous dira que l’Occident « c’est d’abord un certain rapport au temps ». Une relation  à l’histoire aussi.  Ce rapport supposé au temps advient sans doute avec un  certain  rapport au monde et aux autres. Il nous semble qu’il définit l’Occident comme territoire de l’angoisse, mais aussi de la joie.


Ensuite vient la critique de toute autorité prétendue naturelle. Rien ni personne  n'est en droit d'affirmer se substituer à l'histoire .Même pas Dieu. L'histoire fait de l'occidental un élu ou un allié du temps. Curieux paradoxe  si l'on sait par ailleurs que ce compagnonnage est souvent terrorisant car générateur de liberté er aussi de danger.


Enfin tout le monde voudrait certainement être occidental, car c'est là que réside la patrie de l'individu comme concept et comme réalité. Là se reconnaissent les droits du sujet singulier non ramené à la famille, au clan, à la tribu. Là advient l'idée de l'intériorité derrière le masque social. Là se construit la notion de tragique, mais aussi celle de comique. Le droit de rire et de pleurer pour presque rien. L'idée de futur est-elle donc consubstancielle à l'idée de société en Occident ? Il semble bien que oui. Là encore la comparaison s'impose. Evidemment le monde s'uniformise. Mais l'Inde , la chine, l'Afrique reposent d'abord sur l'idée de Passé, de traditions millénaires. L'Occident nous donne parfois le sentiment d'être le pays des hommes sans passé et tournés vers le futur comme vers une terre promise. Cette image d'une société en marche, comme dynamisée de l'intérieur par la notion d'avenir est particulière et étrange.


Et si l'Occident était "le premier moteur immobile", la cause qui met en mouvement l'histoire du monde ? L'analogie entre le Dieu de La Métaphysique d'Aristote et l'Occident historique se justifierait peut-être par l'allusion mécanique. Mais pas seulement. Cette passion de la raison, ce goût des causes et des effets, cette croyance dans la pensée détachée du mythe définissent évidemment l'Occident. Cependant subsiste  le paradoxe. Comment l'Occident nourri de cette foi dans le "logos", de cette idée de rationalité, et voué à l'avenir peut-il se passer de toute transcendance ?
Comment justifier l'élection de la liberté de penser ?
Au nom de quoi et dans quel but ?


Ici surgit une autre idée propre à l'Occident : celle d'utopie. Ce lieu de nulle part est un condensé de tous les rêves idéalistes, devenus impossibles, et cependant incontournables de l'Occident. La porte de l'avenir ouvre sur l'utopie des philosophes et la boucle est bouclée. L'identité n'est pas une donnée à priori de la conscience, mais un produit historique. Se saisir occidental est peut-être un résultat. Le produit d'un "rejet", d'une sorte d'exclusion par le non-occidental. Et cependant cette expérience, qui vaut aussi pour l'oriental sans doute et pour tout homme, est fondatrice.


Ensuite vient la notion d'universalité. L'Occident depuis fort longtemps s'est construit sur cette notion dérivée des grecs et des romains. L'universel est ce qui vaut partout et toujours dans les limites du pensable. Etre occidental, c'est donc depuis deux millénaires au moins se penser comme différent et soumis au principe d'universalité. L'alliance que l'Occident a forgé avec le logos, ce que les théologiens chrétiens nomment le "saint-esprit" est sans doute comparable à celle que les prophètes bibliques ont contracté avec le Dieu de l'Ancien Testament. On voit bien comment se construit la rationalité occidentale. L'Occident signe un pacte avec la raison universelle et devient l'intermédiaire terrestre de cette logique idéale. L'aventure historique peut commencer.


Il n'y a d'histoire que "forcée". L'occidental n'a pas choisi son destin. Il y a été conduit par les autres. Les frontières de l'Occident, que les grecs nommaient "barbares" sont celles de l'universel abstrait. Il y a donc un destin de l'occidental qui n'est pas identique, disons, à celui de l'oriental traditionaliste .
Ceci expliquant cela  on comprend mieux le sens de cette histoire rationnelle. 


Aujourd'hui l'expansion du savoir scientifique et technique tend à modifier les relations internationales. Mais il demeure à notre avis que seul l'occidental voit dans l'univers rationnel et techno-scientifique l'expression de son moi le plus immédiat. Vouloir échapper à cette alliance du sujet occidental  avec la rationalité serait équivalent au voeu du canard de devenir oie.


Et cependant cette vision a ses limites et ses effets pervers. On sait les conséquences négatives du "progrès" sur la nature et les cultures proches. Il y a donc une limite à ne pas dépasser dans cette quête scientifico-logique. Telle est bien la difficulté à laquelle est attachée aujourd"hui la conscience occidentale.


La puissance que l'occidental exerce sur la nature est la conséquence de l'exercice millénaire de la rationalité. L'atome est connu depuis fort longtemps, même si le sens du mot a quelque peu varié dans le temps. Puissance du concept donc et cependant fébrilité de la morale aujourd'hui .Mais pourquoi donc ? Peut-être justement parce que face à la rationalité scientifique croissante la philosophie rationnelle à ses bornes. L'homme découvre qu'il ne peut "racheter" l'homme par la raison comme il peut sauver les phénomènes du néant par la science appliquée. Autrui n'est pas un phénomène de la nature soumis à des lois prévisibles et réitérables. Et l'Occident avoue qu'il ne peut se racheter lui-même. 


C'est de cela dont nous parlent art et littérature. De cette indécidabilité fondamentale ressort le christianisme  comme synthèse de rationalité grecque et latine et de métaphysique juive. Pascal résume bien le dilemme. Le scientifique théorise le vide et invente la machine à calculer. Le religieux sonde l'infini et découvre le "Dieu caché". Le doute à l'égard de l'homme et de son existence est surmonté par le "pari " sur la transcendance. Le fameux pari de Pascal résume toute la difficulté pour l'occidental de réconcilier ses deux vocations, théorique et pratique. Croire car on a rien à perdre et tout à gagner. On a rien à perdre car on ne sait pas si Dieu existe ou pas. On est dans l'incertitude première, dans le doute ...


On a tout à gagner  car si Dieu existe, l'éternité de l'âme est acquise et l'immortalité aussi. Reunir le principe d'incertitude qu'est la raison et celui de certitude qu'est la foi... voeu impossible et quasi intenable sur la longue durée. Tragique destin qui résume  peut-être encore aujourd'hui le paradoxe de l'Occident .

PG

 
 

Pierre Givodan - contact@pierregivodan.com

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17 décembre 2006 7 17 /12 /décembre /2006 09:53

Du désir au don

Une pensée de la vie intense


Il est  un philosophe dont la lecture prodigue de la joie et diffuse une générosité communicative. Nicolas Grimaldi vient d’écrire le Livre de Judas ( PUF 2006), dans lequel il médite sur «  ce qui rend la vie semblable à une création » .


L’annonce de la bonne nouvelle réside ici dans le fait de nous rappeler qu’aucune promesse Métaphysique, religieuse, historique ou politique, de même  qu’aucune élection ( individuelle ou collective), qu’aucun avenir béatifique  n’est à attendre de l’histoire de l’humanité dans son ensemble.


Non pas que cela doive nous conduire au pessimisme tragique , mais bien au contraire ! La plénitude individuelle ne sera jamais à comprendre  selon l’ordre de la « représentation » Mais plutôt selon celui du vécu.  


Qu’est-ce à dire ?


Je cite l’auteur : «  …aucune graine ne devient  arbre que par un perpétuel travail sur soi-même , tirant de ce qu’on est toujours  plus que ce qu’on était .C’est ce qui rend la vie si semblable à une création ».Tout est donc affaire de disposition d’esprit , de disponibilité à  son « intensité », sa « diffusion particulière ».


C’est ainsi que Nicolas Grimaldi  peut rappeler  que le « royaume » n’est pas ailleurs, mais ici, maintenant, pour chacun, dans la défaillance et le vacillement.

L’enjeu  est dans le renversement de perspective  qui consiste à penser  le don en nous avant de chercher à recevoir à tout prix des autres, du monde , etc.


Judas par exemple  était dans la « propriété », Jésus dans son contraire : répandre une « surabondance » de vie. Aimer tout simplement.


Ce long travail entamé par Grimaldi  autour du sens de la vie « comme temps de l’amour , toujours à son premier matin « (Bref Traité du désenchantement ,1998) est là pour nous préserver du désir qui cherche toujours  à recevoir avant de donner  et qui se rassasie d’abord  et exclusivement de soi. Seule parade au désirs d’ailleurs, son devenir « musical ». « Seule la musique réussit en effet à résoudre la contradiction du désir » (Bref Traité…)


Mais cette parade doit elle-même  être une propédeutique  à la vie .


On ne peut en effet chercher  dans la vie ce qu’on trouve fantasmatiquement dans l’art. L’art nous sensibilise au  réel, mais ne doit  pas le remplacer. Seul l’amour  comme don authentique  nous permet  d’accueillir l’éphémère, le fragile, l’irremplaçable instant comme vraiment notre bien propre.
PG

Pierre Givodan

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voir aussi : notre dossier Nicolas Grimaldi, le texte de N. Grmaldi "Qu'est-ce qui fait l'art d'un objet ?"

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8 décembre 2006 5 08 /12 /décembre /2006 09:02

Picasso, La joie de vivre, 1945 - 1948

 

du 11 novembre 2006 au 11 mars 2007

 

Palazzo Grassi - Venise  

 

Pablo PicassoLa joie de vivre

1945-1948. L'Europe détruite. La morale avilie, la pensée avilie. Picasso attentif, sans esprit de sérieux.

 

"Non, la peinture n'est pas faite pour décorer les appartements, c'est un instument de guerre offensif et défensif contre l' ennemi."

 

Toute la difficulté est de nommer cet ennemi, justement. L'ennemi pour l'artiste est la facilité. C'est pourquoi Picasso expérimente tous les formats, supports, la céramique... Picasso à Antibes. Picasso et sa thématique de la musique : la toile de la Joie de vivre. Picasso et la nature morte : les vanités à la tête de mort. Les lithographies du taureau : déconstruction, réduction. Aller à l'essentiel.

 

La figure de la femme aussi : Françoise Gilot, femme fétiche, femme fleur, femme statue. Picasso redécouvre la mythologie méditerranéenne, "Faune assis et nymphe endormie" . La Grèce n'est pas loin : centaure et tambourin.

 

L'Espagne s'exprime avec la "corrida" dans la céramique. La figure emblématique du taureau, animal archaïque s'il en est, symbole de force, virilité.

 

La chouette : image de l'inquiétude spirituelle et nommée "Ubu" par Picasso.

 

Picasso et "l'informel" en 1946, les natures mortes purifiées. Retour à Homère : "Ulysse et les sirènes" 1947.

 

Picasso joue avec l'histoire à partir d'une mémoire européenne singulièrement revivifiée à la source de la conscience artistique contemporaine. "La Tête de faune" clôt l'exposition vénitienne. L'énigme reste entière.  

 

 

Pierre Givodan

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voir aussi : toute l'exposition en images sur le superbe site du Palazzo Grassi (Fondation François Pinault)

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13 novembre 2006 1 13 /11 /novembre /2006 14:23

Ou de la révolution à la Révolution

Ce week-end du 11 novembre nous avons été témoins d’un poignée de mains historique comme il en existe de façon récurrente dans notre histoire européenne. Nous voulons parler de celle de Dieudonné  et du président du Front National. En réponse à cette rencontre nécessaire, inévitable , incontournable, comme les révolutions supposent des parcours identiques sur le plan  stellaire, nous choisirons de mettre en parallèle deux  trajets non moins réjouissants mais dans un registre plus « balancé », ceux  de Boris Vian et de Woody Allen .


Boris Vian a écrit un jour une « physiopathologie du jazz » dans laquelle il rappelle que cette musique est dangereuse car elle engendre outre « la recherche de l’absolu …tous les germes de rébellion sociale » .Cela n’a pas empêché notre ami, déjà malade de jouer de la trompette jazz , d’écrire des chansons, de composer des musiques et même de les interpréter au mépris des convenances (voir Le Déserteur entre autres).


Woody maintenant . On sait la fascination qu’exerce depuis toujours la clarinette jazz sur ce désormais vieil homme et à laquelle il se consacre depuis des décennies dans un club de New York. Outre le fait que Paris et New York sont deux villes de plus en plus cosmopolites et donc probablement « impures » aux yeux de certains, elles présentent une particularité supplémentaire : leur grande tolérance vis à vis du danger ontologique que représente la musique jazz. Et cependant  Woody Allen est plus jeune intérieurement que jamais !


Son dernier film swingue à la hauteur des plus grands . « Scoop » allie le surréalisme à la critique sociale, l’esprit Dada à la dénonciation des tares du « vieux monde » : narcissisme et esprit de sérieux .


Quant à Boris Vian, bien que victime mortelle du poison jazz, sa mémoire réconcilie en nous jeunesse éternelle et espoir en « l’humanité de l’homme », comme aurait dit un autre malade du rythme régulier : Emmanuel Kant qu'un seul événement avait distrait de sa promenade doucement  chaloupée autour de son jardin : celui de l’annonce de la Révolution française .


PG

 

 

Pierre Givodan - contact@pierregivodan.com

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6 octobre 2006 5 06 /10 /octobre /2006 09:44

 

 

 

Rétrospective

 

du 23 septembre au 19 novembre 2006

 

Hôtel des arts - Toulon 

 

 

 

Antoni TapièsTapiès : "Vive la vie !"

 

Tapiès a retourné le cri fasciste de "Viva la muerte ! " en "A bas la mort ! " au siècle dernier.

 

Il y a plusieurs décennies, à l'époque de la guerre civile espagnole, il est adolescent.


Tuberculeux, il combat une lésion pulmonaire à 20 ans. Lorsqu'il découvre la peinture, c'est par le surréalisme qu'il exprime son angoisse métaphysique. Puis dès les années 50, c'est le grand chambardement.


Le tableau est travaillé "à plat". Les objets entrent dans sa peinture. Puis viennent les graphes, les lettres et les sigles. Antoni Tapiès est mort. A.T. est né à la peinture de l'après-guerre.


Le noir, le brun, les tons de terre envahissent l'espace pictural. L'Espagne ancestrale résonne du son lointain de l'affrontement tragique avec le Tout et le Rien.


La mort et la vie, le désir et le néant... Comme Miguel de Unamuno, Tapiès nous rappelle par delà les particularismes, "au sentiment tragique de la vie".


Les croix, les os, le doigt pointé, "le sud" (titre de l'un des tableaux de l'exposition actuelle) sont là pour nous renvoyer, si on les avait oubliées, aux évidences de la "théologie naturelle".


L'esprit refuse le néant parcequ'il expérimente l'éternité, c'est à dire la création sentie, vécue et pensée, à chaque seconde.


L'exposition rétrospective 1980- 2006, de l'Hôtel des arts le démontre, magistralement.


Non, l'homme Tapiès n'est pas un accident de l'histoire de l'art actuel, mais une nécessité incontournable.


L'oeuvre nous le prouve. Nous ne sommes pas là pour "rien". Il y a quelque chose à défendre encore et toujours. Tapiès, comme tout le monde, lutte pour la vie, mais lui le sait plus que jamais aujourd'hui.

Pierre Givodan

 

 

Pierre GivodanPierre Givodan

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voir aussi : notre dossier Antoni Tapiès

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28 août 2006 1 28 /08 /août /2006 20:49

Exposition du printemps, été 2006

 

Musée d’Art de Toulon

 

 

 

Pierre Buraglio

 

 

Après les Gauloises ,  Buraglio retourne à la peinture


Le tableau a été exposé en 2004 à la galerie Marwan Hoss (Paris). Le sujet en est un paysage avec un personnage peint de profil adossé à un rocher, lequel est surplombé d’un arbre massif A gauche du sujet est dessinée une petite maison, porte entrouverte (je décris de mémoire). Cette œuvre vient clore la rétrospective de l’artiste axée  autour des œuvres majeures  dont trois issues de la période des années 60-70 (Agrafage, Assemblage de Gauloises bleues…) en la possession du Musée d’art de Toulon .


La question qui nous préoccupe est celle liée à la présence ultime, donc voulue et choisie en connaissance de cause par l’artiste, aussi bien, du tableau «néo-classique » final. Evidemment on aura beau jeu de souligner le rôle de décalage que joue l’assemblage de deux supports contreplaqués qui constitue la matérialité de l’œuvre …


Nous retiendrons cependant l’élection de cet  énigmatique tableau  comme symptôme que nous rattacherons à la date de 1959 figurant sur le C.V. accompagnant  l’exposition de  Pierre Buraglio : « Ses modèles sont Balthus, puis Bazaine et Nicolas de Staël » ,dit le texte à propos des 20 ans de l’artiste  à l’époque.


Ainsi, il aura fallu  attendre 47 ans pour que le peintre, par un lent mouvement de rotation sur lui-même accomplisse cette lente révolution esthétique, déjà curieusement préfigurée par le gôut initial. Comme l’écrivait Camus dans sa préface à l’Envers et l’Endroit "Chaque artiste garde au fond de lui une source unique", ou plus sûrement encore , dans Le Mythe de Sisyphe : "La pensée d’un homme est avant tout sa nostalgie".


P.G.

 

 

 

 Pierre Buraglio

 

 Photos  : (1) Gauloises, collage (2) hommage à Sysley peinture

 

 

Pierre Givodan - contact@pierregivodan.com

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22 août 2006 2 22 /08 /août /2006 20:40

 

1 Spinoza éternel .

Le jour où Spinoza est entré dans mon existence à la faculté d’Aix : - Une  substance et ses attributs… Dieu, l’entendement et l’étendue. Nature naturante et naturée, etc.
Le jour où l’Ethique m’a été volée en Espagne dans un village perdu d’Andalousie (mon père ayant garé sa DS à l’ombre d’une place abandonnée, toutes portes ouvertes.)
Le jour où j’ai racheté les œuvres complètes dans la Pleiade.
Le jour où j’ai compris l’Ethique à Uzès en vendant des tableaux.
Le jour où Spinoza est revenu dans mon esprit avec le thème dominant de la joie par l’intermédiaire d’un philosophe (Misrahi) qui a connu les persécutions de la guerre et l’expérience du chômage.
Le jour où un peintre catalan m’a parlé à Toulon de Spinoza et «de la persévérance dans son être…»
Le jour où quelqu’un ouvrira les œuvres complètes de Spinoza dans la Pleiade, bien après que Borgès, Nietzsche ou les stoiciens n’aient évoqué «l’éternel retour du même»- .

 

2 De la création

La question de l’éternel retour .
Eternel retour veut dire que tout ce qui est revient et donc que rien ne disparaît, mais que tout connaît des cycles. Ainsi l’éternité dans la nature est conquise  sur le temps  par le mouvement  généralisé de la vie. L’homme aussi meurt et renaît plusieurs fois...
Où est le progrès ?
Du point de vue naturel  le retour du même se suffit et correspond au mieux possible.
Là encore  Platon a  tout dit : «Le temps est l’image mobile de l’éternité» L’éternel retour illustre cette thèse. Par la répétition du même la nature se hausse à une manière d’absolu.
C’est aussi par là, et c’est l’affaire du style, que l’artiste imite Dieu  en créant des œuvres  qui ont des marques de parenté évidente et un contenu idéal .
PG

 

Pierre Givodan

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28 juillet 2006 5 28 /07 /juillet /2006 08:55
La condition artistique
 

" Je suis mes routes … ", écrit Malraux dans La Condition humaine. Car être c’est faire. Il n’y a pas d’autre secret de l’existence. Je me produis comme ceci ou comme cela.


Tout dépend de moi. Je suis libre jusqu’à vouloir être dieu… et alors je deviens l’expression de la maladie de la vie, etc.


Malraux a tout dit de l’existence moderne, pour une conscience d’hommes du XXème siècle .
D’abord le déplacement des centres d’intérêt : de la méditation à l’action. Le vaste champ d’action du monde. Ensuite les limites du faire. L’esclavage massif des foules. L’aliénation des peuples, causée par la soif de domination des démagogues… La tentation de l’Occident.


Sur le plan esthétique, les sauts successifs d’un art de l’imitation au XVIIIème dans l’abîme d’une éthique  de l’apparence et du savoir-faire au XIXème qui justifie tout, y compris l’art académique. Et puis la figure émergente de l’artiste, «ce grand mécontent » (Le Musée imaginaire) qui s’échappe du lot avec les romantiques. L’art comme «anti-destin».


Par la voie des œuvres le créateur sauvera désormais toujours quelque chose du néant, plutôt que d’ajouter de la souffrance à la vie (qui est déjà assez absurde).


L’homme est donc ce qu’il fait. Et rien d’autre.  Il n’y a plus de Dieu qui nous surplombe au XXème. Pas d’enfer sous nos pieds. Pas d’ordre pré-établi nulle part dans le cosmos.


Hasard et nécessité de faire, de se faire, et de se défaire de ses contradictions en créant des œuvres qui reflètent successivement  nos plus chères aspirations vitales.


C’est là toute l’histoire  du Musée imaginaire qui survit jusqu’à aujourd’hui à la mort ,dans les voix sublimées des écrivains, peintres, compositeurs, «solitaires» réunis de toutes les époques au final, en son espace.

 
 

Pierre Givodan

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voir aussi : le site personnel de Pierre Givodan
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19 juillet 2006 3 19 /07 /juillet /2006 17:27
Les chemins maritimes de Jean Grenier
 

La première fois que vous lirez "Les îles" de Jean Grenier dans la collection L'imaginaire Gallimard, si possible et introduit par la préface remarquable d'Albert Camus, vous comprendrez ce que veut dire le voyage dont l'île semble être ici la métaphore filée.


On ne voyage jamais que pour redevenir "proche" comme l'écrit l'auteur. "Le soleil, la mer et les fleurs seront pour moi les îles Boromées" écrit-il à la fin de son récit dont l'élément liquide fournit le chemin. "Une poignée de main, un signe d'intelligence, un regard..." l'autre, l'esprit, l'homme retrouvé, voilà vers quel centre perdu nous conduisent les îles lointaines.


Le sujet n'est jamais totalement oublié car comme les îles nous ne sommes jamais absolument seuls ni isolés. Toujours un navire passe par là qui nous rappelle l'existence du monde d'abord occulté. Les îles n'existent que pour cela. Entourées par l'eau , elles poussent à la moralité cachée recouverte par la vie quotidienne des individus. C'est là sûrement que réside la leçon du voyage maritime de Jean Grenier.

 
 

Pierre Givodan

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voir aussi : le site personnel de Pierre Givodan
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7 juillet 2006 5 07 /07 /juillet /2006 11:38

« A PROPOS DE L’EAU »



Crémonini dans « Area revues » (été 2006)


La Méditerranée , l’enfance , la peinture.

 
"L'eau et la pierre"
55,5 x 56,5 cm. 2000
Huile sur toile copyright galerie
Claude Bernard
 


La Méditerranée évidemment : espace de la représentation de la vie contradictoire d’un homme livré à la tendresse et à la dureté du monde. L’enfant Crémonini né en Italie et suivant son père de Bologne en Calabre, pendant la période fasciste italienne.



L’enfance : les visages « monstrueux » des enfants. L’innocence chargée du malaise de l’homme devenu adulte. Dans ses bords de mer le peintre réinvente un rêve : quelque chose « qui échappe » à son contrôle et lutte contre la déperdition de son désir.


La peinture enfin, dont la charge érotique est clairement exposée : jeunesse, sexualité, égoïsme … et pratique artistique. Dans ce dialogue du peintre et des bords de mer le peintre conclut par une réflexion qu’il résume ainsi pour le dossier qu’ Area revues consacre à l’eau cet été : « la dynamique du désir est une force qui se protège jusqu’à la mort ».


PG

 

Informations pratiques :

Les oeuvres de Cremonini ont été exposées à plusieurs reprises à la galerie  Claude Bernard à Paris : 1979, 1983, 1987, 1991 et 1999. La galerie les a également présentées à la FIAC (Paris) en 1987, 1991,  1999 et 2006. Elles font partie de leur fonds permannent.

 

 

 

area revue (s)

Chaque numéro aborde de façon singulière un thème nouveau.Tout en privilégiant les oeuvres plastiques, il accorde une large place aux entretiens ou aux textes inédits d’écrivains, philosophes, artistes du spectacle, cinéastes, collectionneurs, en multipliant les approches sur le sujet abordé. L’ensemble de ces matériaux visuels et rédactionnels constitue un dossier de référence.

N° 12 été 2006

eau, art et eau

180 pages couleur diffusé en librairie

prix 20€ commander

 
voir aussi : le site de la revue, le dossier très complet  Cremonini  sur le site de la galerie Claude Bernard
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