Elmore James : le blessé.
Si les esprits qui courent les bois la nuit cessaient une seconde de se poursuivre, il est incontestable qu’il inventeraient l’exception, bien loin des vérités habituelles, avec la même facilité, on l’espère, qu’Elmore James.
C’est avec un bâton peut-être qu’il a brisé le corps d’un serpent. C’est vrai. Mais ce qui l’est encore plus, on dira que c’est son cri du blues. Et ce n’est pas que des mots.
Elmore James (1918,1963) a essayé par sa voix de savoir ce que dit le tempérament mélancolique : l’ancien est le nouveau (et vice-versa). Où est le printemps ?
Elmore chante depuis toujours le droit à la force de dire aussi que le ciel crie « The sky is crying » et que cela lui fait mal « It hurts me too ».
Les ouvriers du temps s’en fichent sans doute. Mais la perte du sentiment de sécurité ; la découverte du principe de difficulté : le doute…tout cela n’est pas soluble dans le rire.
Elmore travaille donc à refaire le périple de la quête d’un sol dur, loin du fini. Inconnue de beaucoup cette pensée pâle à de quoi paraître antinaturelle. Il en sait presque trop et il souffre.
On s’accordera à sa contradiction sans remède, qui envoûte ; à sa voix qui refuse malgré tout d’aller buter contre la tristesse.
PG
Ecouter par exemple You Tube Elmore James « it hurts me too »
Pierre Givodan Chroniques musicales |