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14 février 2011 1 14 /02 /février /2011 10:33

  Milton Becerra-Masque 

 

 

Milton Becerra
Per monstra ad astra1


« LE MASQUE EST LE CHAOS DEVENU CHAIR. Il est présent devant moi comme un semblable et ce semblable, qui me dévisage, a pris en lui la figure de ma propre mort : par cette présence le chaos n'est plus la nature étrangère à l'homme, mais l'homme lui-même animant de sa douleur et de sa joie ce qui détruit l'homme (…).» 
        Georges Bataille

 


 Ressuscitant avec force les anciennes figures des dieux indiens peuplant les rives de l'Orénoque, au Vénézuela, les dessins de Milton Becerra ne sont pas, à proprement parler, de simples oeuvres d'art. Ou alors, il faudrait dire qu'elles ne le sont qu'à la condition d'être aussi des objets chargés d'une certaine force spirituelle – d'un certain mana. Car, à l'évidence, ce qui intéresse Becerra dans ces représentations de masques, ce n'est pas seulement de mettre en avant leurs qualités plastiques, mais de nous permettre, aussi, de reprendre contact avec cette « pensée sauvage » qui fascina tant Levi-Strauss, et qui, de nos jours encore, semble être en possession d'un secret que nos sociétés occidentales – au bord de la faillite écologique - auraient bien besoin de retrouver.

 

Soucieux de préserver l'intégrité de leur habitat et de vivre en conformité avec les esprits de la forêt – les shapiris - le peuple des Yanomani célèbre aujourd'hui encore, sous l'égide de ses chamanes, des rites en l'honneur de ses dieux-esprits. Or, qu'est-ce qu'un Dieu-esprit sinon cet étrange état dans lequel un homme – un initié – se couvrant le visage d'un masque, perd peu à peu son identité pour gagner celle de l'animal auquel il rend hommage. Dans un mouvement de dépossession allant de l'homme à l'animal, puis de l'animal à l'esprit qui est en lui, l'initié sort de sa condition pour reprendre contact avec des forces qui le dépassent et auxquelles il se soumet avec humilité.

 

Le masque n'est donc pas seulement un objet de culte pour celui qui le regarde – ou qui le porte – mais d'abord et avant tout un opérateur de transe : un tremplin capable de propulser l'esprit hors de ses limites tout en le rendant à même d'expérimenter, le temps d'un rituel au moins, son union avec le reste du cosmos. Voilà sans doute la raison pour laquelle les dessins Milton Becerra ne se laissent pas regarder sans susciter, dans l'esprit de celui qui les contemple, un certain effroi. Car du plus profond de leur silence, ils semblent nous inviter à couvrir notre visage de leur formes pour que nous puissions, à notre tour, expérimenter leur mana.


Frédéric-Charles Baitinger 

 

 Milton Becerra-Phacelia Tanacetifolia

 

 Milton Becerra-Tortue

 

Milton Becerra sera présenté par la Galerie 13,

au Salon du dessin contemporain, Drawing now, Paris, Stand A5

Le caroussel du Louvre, vernissage, jeudi 24

 

 

 

Le silence qui parle 

Les nouvelles chroniques de Frédéric-Charles Baitinger 

fredericcharlesb@hotmail.com

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