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6 juin 2005 1 06 /06 /juin /2005 00:00
 La bibliothèque de Buchenwald
 

"Je jette toujours un coup d'oeil sur les bibliothèques des gens chez qui je suis invité . Il semble que je suis parfois trop cavalier, trop insistant ou inquisiteur, on m'en fait le reproche. Mais les bibliothèques sont passionantes parce que révélatrices. L'absence de bibliothèque aussi, l'absence de livres dans un lieu de vie, qui en devient mortel." Le mort qu'il faut p.80 Georges Semprun éditions Gallimard

 

C'est ainsi que Georges Semprun nous révèle une de ses façons de concevoir le rapport aux autres et au monde.

 

Dis-moi ce que tu lis, dis-moi si tu lis et je te dirai ce que tu vises, et ce que tu sais de la vie...

 

C'est ainsi que l'écrivain, encore jeune homme rescapé de la seconde guerre mondiale et de Buchenwald alors qu'il était "un rouge espagnol" a pu survivre et devenir qui il est à ce jour.

 

Car il y avait des livres dans ce camp de prisonniers et des écrivains emprisonnés (Maurice Halbawchs, "le maître" de Semprun en était un).

 

Il y avait aussi la mémoire des poètes dont l'auteur d'aujourd'hui récitait des vers épars : Valéry, Rimbaud, Baudelaire...

 

"Dis moi ce que tu lis!"

 

C'est à dire, fais-moi profiter de la vision du monde dont tu t'es enrichi. Fais-moi respirer l'air de la liberté. C'est à dire de la vie de l'esprit. La vraie vie évidemment. Car si "la vraie vie" était ailleurs que dans les camps, elle était cependant accessible au jeune homme lorsqu'il lisait un exemplaire de La Logique de Hegel ou une traduction d'Absalon, Absalon de William Faulkner dans la bibliothèque de Buchenwald.

 

"Et dis-moi ce que tu lis!"

 

C'est à dire si tu comprends que l'humanité n'est pas donnée une fois pour toutes. Si tu as l'intuition que rien n'est définitivement acquis de ce qui constitue l'humanité de l'homme.

 

Si tu sais que toutes les régressions sont possibles, toutes les perversions aussi. Si tu as fréquenté, l'aile de la mort. Si elle a déjà touché ton corps et frôlé ton âme...

 

Alors je te dirai quel destin t'attend et comment tu te situes par rapport à la vie.

 

Être à la hauteur de la finitude qui s'annonce très vite par les arrestations, les déportations et les signes des temps.

 

Être enfin digne de cette vie qui nous appartient la durée d'un instant.

 

Pierre Givodan

Chroniques intempestives

copyright Art Point France

 
voir aussi : le site personnel de Pierre Givodan
 
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