du 10 septembre au 14 décembre 2008
Château de Versailles
Jeff Koons, autoportrait en Apollon, buste en marbre | Louis XIV, buste en acier inoxydable |
Le champ de l'art est un champ de bataille, l'insurrection n'est peut-être plus très loin.
Jeff Koons à Versailles dérange les fétichistes de tout poil, les conservateurs de tous bords. Ils hurlent au loup et prétendent faire de la Résistance contre l'ennemi. C'étaient eux (inutile de les identifier) qui déjà avaient tempêté lors de l'intervention de Jan Fabre au Louvre.
Il est d'ailleurs regrettable d'amalgamer les deux projets dans une même et vaine récrimination. Jan Fabre a créé spécialement pour le Louvre des oeuvres inédites en se préoccupant de leur forme et du dialogue que leur caractère plastique pouvait établir avec les tableaux de Van Eyck, Bosch ou Rubens. Par ailleurs Fabre est un artiste européen qui part de l'homme pour questionner le monde. Jeff Koons est un artiste américain, il scrute avec l'acuité que réclament les grandes distances, une société mondiale dominante et fait le détail d'une époque, pour nous livrer par voie de conséquence une version d'un '"homo futilus" du XXème siècle, à découvrir.
Et c'est peut-être là que le bât blesse. Des oeuvres que certains s'étaient contentés de trouver "kitchs", de mauvais goût, exposées dans les Grands appartements et la Galerie des glaces du Château de Versailles, prennent un caractère subversif, une dimension politique. Elles nous obligent à penser à rebours, mettent en cause une période de l'histoire (disons 1918-2008) dont on souhaiterait se glorifier et qui se révèle cruelle et futile. Toute une époque durant laquelle on a voulu nous faire croire que tout était facile et qui a produit beaucoup de grenouilles gonflées comme des boeufs, à l'image du Chien-ballon en acier chromé de trois mètres de haut ou du Cœur suspendu de deux tonnes ou encore de Split Rocker, réalisé avec dix mille pots de fleurs.
L'oeuvre de Jeff Koons existe surtout par sa structure, et ce qu'elle révèle par dilation et effet de loupe. « Lobster» un homard en aluminium polychrome et chaîne d'acier de 145 cm de long, de 2003, inspiré d'une bouée de plage, sera dans le salon de Mars, « À la place d'un des lustres, je suspendrai Lobster comme un acrobate accroché à un trapèze, comme une vision incongrue sortie du Moyen Âge. » Tiens le Moyen-âge ! Il est décidément très fort ce Jeff Koons. Nous l'avions cru capable de confronter deux époques de Pouvoir et de "lumières" or son imaginaire puise aussi dans des temps plus reculés de notre civilisation (pas de Moyen-âge aux States). Considérons, pourquoi pas, que l'artiste s'est représenté dans cette oeuvre, animal fantastique à la bouche cousue, lourd et aérien, ridicule et imposant à la fois. Clown ou acrobate, Jeff Koons ? On hésite, sans doute les deux à la fois. En tout cas, on ne peut lui retirer un talent parodique et un superbe sens de l'ironie. Pour cela il suffit de confronter son véritable autoportrait, un buste d'Apollon en marbre, au buste de Louis XIV en acier inoxydable qui sera exposé dans la chambre du roi.
"Le média est le message" disait Mac Luhan. L'exposition de Jeff Koons le prouve. Ce n'est pas l'extravagance des oeuvres qui dérange mais leur inscription dans le cadre prestigieux de Versailles. Tant mieux ! Car si les oeuvres de Jeff Koons ont une raison d'exister en tant qu'oeuvres d'art, c'est seulement dans la mesure où elles provoquent ce choc esthétique et culturel. L'étonnement sera au rendez-vous, peut-être même l'insurrection... Ce qui serait vraiment heureux, serait que l'on se pose la question du rapport entre culture (ce mot qui emplit toutes les bouches) et création (une activité qui ne donne sa chance qu'à quelques rares élus).
Catherine Plassart
Informations pratiques :
de 9h à 17h30
accès :
RER ligne C :
direction Versailles-rive-gauche-château
▪ de la gare Montparnasse :
train SNCF desservant Versailles-Chantiers
▪ de la gare Saint-Lazare :
train SNCF en direction de Versailles-rive-droite
horaires des trains SNCF
En autobus :
▪ de Pont de Sèvres
ligne 171 de la RATP en direction de Versailles-place d'Armes
En voiture :
▪ autoroute A13 (direction Rouen)
sortie Versailles-Château
Parking payant sur la place d'Armes
Voir aussi : www.chateauversailles.fr