"Zéro sentiment"
Pas de chaleur ici, mais une force difficile à approcher. Comme une flamme qui nous dévorerait de l'intérieur, une gifle, l'écroulement des certitudes. Elle est là devant nous, buste tatoué, seins bien dessinés, yeux noirs qui jettent des étincelles, son ombre projetée devant un billet de banque américain. Elle s'offre, brune, dans une ambiance de nuit venue. Des tourbillons de questions enveloppent notre esprit. Le temps passe sur un ciel noir. On contemple un incendie funeste. Ses yeux aux paupières noires, ce visage immobile qui n'exprime aucun sentiment. Un jeu où l'argent tâche de consoler le rien, pour se faire une raison.
Et cependant on n'a aucune envie de pleurer ou même d'être triste devant cette bouche fermée, ces cheveux comme collés sur la peau, bien peignés. Cette absence de réflexion. Nulle prière, nul murmure, juste une voix qui dirait :
- Ah ! quel bonheur véritable que la richesse ! Participez !
Pas d'affectation. Et pas de main tendue. Juste des yeux brûlant pour allumer le désir. Se mettre à danser. Etre polisson. Crier que c'est amusant et que c'est beau ! Et entendre cette voix dire d'un ton bas qu'il ne reste que des cendres, des marques noires et rondes. Et qu'elle veut bien nous reconduire jusqu'à son domicile tout proche. Aimable et pas sauvage, peut-être même distinguée...
Mais on est seul devant ce tableau de Richard Phillips intitulé § (Dollar) Huile sur toile, 2004 (274,3 x 215,9cm).
Veuf de l'amour, cherchant la cause de l'incendie et secoué à l'idée d'appartenir à ce monde effrayant, capable de suspendre la peau des êtres à la parure d'un billet de banque new-yorkais. Grand livre ouvert, couvert de la vérité du Capital, marqué d'un déficit en caisse à n'y rien croire.
PG
Richard Phillips, peintre hyper-réaliste est né en 1963, inspiré par la culture populaire "porno, pop et politique", les magazines...
Pierre Givodan - contact@pierregivodan.com |
commenter cet article …