La coupure esthétique
A partir de quand un artiste devient-il lui-même ? Tel est la question qui vient à l'esprit lorsque l'on interroge le parcours de Mark Rothko, né en Russie en 1903, mort aux Etats-Unis en 1970.
D'abord un constat : l'oeuvre qui le fait passer à la postérité est plutôt tardive puisqu'il peint d'abord figuratif et connaît les influences surréalisantes des Américains des années trente et quarante. La coupure, métaphore à la Bachelard, a lieu au milieu de sa vie professionnelle, soit 20 ans avant le fameux suicide.
Le passage aux "champs colorés" est donc la preuve d'un mûrissement de la recherche et la marque d'un aboutissement.
Dès lors Rothko peindra toujours plus ou moins le même tableau, avec quelques variations. Et ce jusqu'à sa mort.
Ce n'est pas une peinture avec sujet, mais plutôt une peinture du sujet, entendre de l'intériorité, dont il s'agit ici.
Rothko utilisera à partir des années cinquante la toile comme reflet de cette quête qui pour une certaine pensée est la seul autorisée. On se souvient de la phrase de l 'évêque d'Hippone selon qui, il ne faut pas chercher dehors car la vérité habite en nous. Cette formule qui conclut les Méditations de Husserl, lequel commente ainsi l'idée d'Augustin : "il faut d'abord perdre le monde... pour le retrouver dans une prise de conscience universelle " (Méditations cartésiennes).
La force de Rothko demeure ainsi celle de son choix de renoncer à penser le tableau comme microcosme et de lui substituer une vision de l'infini.
Exposition Marc Rothko jusqu'au 6 janvier 2008, Palazzo delle Esposizioni Via Nazionale, 194
00184 Roma, Italie.